(Québec) Suzanne Roy a présenté mardi les « sages » qui se pencheront sur la question de l’identité de genre d’ici à la publication d’un rapport sur le sujet à l’hiver 2025. Québec a choisi de ne pas y inclure de personnes trans ou non binaires, car ils auraient fait un travail de représentation, a affirmé la ministre de la Famille. Le comité dispose d’un budget d’environ 800 000 $.

Le comité sera présidé par Diane Lavallée, infirmière de formation et ancienne présidente du Conseil du statut de la femme, accompagnée pour son mandat de Jean-Bernard Trudeau, médecin de famille et ancien directeur général adjoint du Collège des médecins du Québec, ainsi que Patrick Taillon, professeur en droit constitutionnel et en droits et libertés de la personne à l’Université Laval.

D’entrée de jeu, lors d’un point de presse à Québec, mardi, Mme Roy a réitéré qu’il « n’est pas question de reculer sur les droits existants des personnes trans et non binaires ». Le comité des « sages » rencontrera « des experts, des chercheurs, des décideurs, des groupes professionnels [et] des intervenants sur le terrain » au sujet de l’identité de genre. Les membres du comité reconnaissent par ailleurs la notion d’identité de genre et ne la remettent pas en question.

La ministre a précisé que son comité n’en était pas un de représentation, ce qui explique pourquoi aucune personne trans ou non binaire n’y siège. Elle a affirmé que ses « sages » combinaient des expériences complémentaires afin d’éclairer le débat, dans le contexte où des manifestations tendues ont secoué le pays plus tôt cet automne. Il travaillera en collaboration avec le Conseil québécois LGBT, a ajouté Mme Roy, qui pourra porter la voix des personnes issues de la pluralité des genres.

En point de presse, Mme Lavallée a été questionnée si elle pouvait imaginer un comité gouvernemental chargé d’étudier la condition féminine qui aurait exclu d’emblée les femmes de ses rangs ? « Probablement pas », a-t-elle répondu.

« Il ne faut pas dire que les trans et les non-binaires ne sont pas là, bien au contraire. Cette collaboration avec justement le Conseil [québécois LGBT] va être extrêmement importante et enrichissante pour le comité », a par la suite précisé la ministre de la Famille.

Mme Lavallée et ses collègues auront entre autres le mandat d’analyser ce qui se fait concernant l’identité de genre en matière d’éducation, de santé et de services sociaux, dans les sports et les loisirs, en famille et en sécurité publique. Dans leur rapport, ils doivent « outiller » le gouvernement sur ces questions et les mettre en perspective avec ce qui se fait ailleurs, comme dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni.

Des actes transphobes en hausse

En septembre, la question de l’identité de genre a créé beaucoup de vagues dans le contexte où un groupe composé de militants musulmans conservateurs, de membres de la droite religieuse et de sympathisants du « convoi de la liberté », le One Million March for Children, a manifesté dans plusieurs grandes villes du pays sur le sujet. Des contre-manifestations ont également été organisées.

Le directeur général du Conseil québécois LGBT, James Galantino, note par ailleurs que les manifestations de transphobie sont en hausse, selon les organismes qui œuvrent sur le terrain, notamment dans les écoles.

« Il y a dix ans, tout se passait bien, les jeunes étaient super ouverts, très au courant sur nos réalités. Aujourd’hui, il font face à [du vandalisme] sur leurs kiosques, aux commentaires transphobes de personnes qui les confrontent. Les gens sont moins complexés à l’idée d’être ouvertement transphobe et homophobe. Ça mène à des altercations verbales et physiques, et c’est vraiment très inquiétant », a-t-il dit.

M. Galantino a ouvertement indiqué au gouvernement qu’il s’opposait à la création d’un comité qui n’inclut pas des « sages » trans et non binaires, ou bien des experts sur le sujet. Le Conseil québécois LGBT répondra toutefois aux questions que lui poseront les membres du comité, puisque le gouvernement a choisi de le mettre en place malgré tout. L’objectif de l’organisme est de s’assurer que les droits des personnes issues de la diversité de genre ne reculent pas.

Au cours des dernières années, la Saskatchewan et le Nouveau-Brunswick ont par ailleurs adopté des politiques pour empêcher les jeunes trans et non binaires de changer de pronom ou de nom à l’école sans avertir leurs parents. Les deux provinces affirment qu’elles pourraient utiliser la clause dérogatoire pour mettre leur politique à l’abri des contestations judiciaires.

L’identité de genre, expliquait plus tôt cet automne à La Presse le sociologue et sexologue Martin Blais, titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres de l’UQAM, est « un sentiment subjectif, qui est propre à chaque personne et qui renvoie au sentiment d’être un homme, une femme, de n’être ni un homme ni une femme, d’être parfois un homme, parfois une femme. C’est un sentiment intérieur profond relativement stable d’être d’un genre, de plusieurs genres ou d’aucun genre. »