(Ottawa) Le Bloc québécois a réclamé mardi que le gouvernement Trudeau dévoile l’ensemble des contrats liés au chemin Roxham après qu’Ottawa eut révélé la veille, après des mois de refus, avoir déboursé 28 millions pour des baux conclus auprès d’entreprises d’un donateur libéral, Pierre Guay.

Lors de la période des questions, le leader parlementaire du Bloc, Alain Therrien, s’est demandé si les contrats avec les entreprises de M. Guay, soit « ceux dont les médias savent l’existence », ne sont que « la pointe de l’iceberg ».

« On sait qu’il y en a d’autres, des contrats, notamment pour des hôtels, a résumé M. Therrien. Si le gouvernement n’a rien à cacher, pourquoi il refuse de dévoiler l’ensemble des contrats du chemin Roxham ? »

Tout comme lors d’une mêlée de presse quelques minutes plus tôt, le premier ministre Justin Trudeau ne n’est pas engagé dans sa réponse à rendre public l’ensemble des contrats.

Il a plutôt répété ce qui a été dit la veille au comité de l’éthique de la Chambre des communes : ce sont des fonctionnaires qui ont décidé de conclure les contrats et c’est l’Agence des services frontaliers qui a contacté le propriétaire des terrains.

« Ce contrat comprenait le seul terrain possible dans les circonstances et l’Agence des services frontaliers l’utilisait déjà pour intercepter et traiter les gens qui traversaient de façon irrégulière, a dit M. Trudeau. Les contrats de location ont été négociés en fonction de la juste valeur afin d’obtenir un prix concurrentiel. »

Le montant de 28 millions figure dans un document envoyé lundi aux membres du comité de l’éthique quelques minutes avant qu’il n’entende des témoins dans le cadre de son enquête sur les dépenses liées au chemin Roxham.

Selon la base de données d’Élections Canada, M. Guay a donné des milliers de dollars en contributions au Parti libéral du Canada, mais aussi, dans une moindre mesure, au Parti conservateur du Canada lorsqu’il était au pouvoir.

Radio-Canada révélait récemment que, selon sa compilation, Ottawa a payé plus d’un demi-milliard en fonds publics pour rembourser des coûts défrayés par Québec ou pour payer des fournisseurs.

Les conservateurs et les néo-démocrates se sont également insurgés contre les contrats avec M. Guay. Le lieutenant conservateur pour le Québec, Pierre Paul-Hus, a tenté de faire « admettre » au premier ministre que sa députée de Châteauguay–Lacolle, Brenda Shanahan, a rencontré Pierre Guay à plusieurs occasions, ce dernier ayant participé à « au moins quatre cocktails de financement » de l’élue.

Cela contredirait, selon M. Paul-Hus, le témoignage en comité à l’effet que M. Guay n’ait jamais rencontré d’élus libéraux pour discuter de ces contrats, et pourrait représenter une situation de conflit d’intérêts.

Durant son témoignage, M. Guay a assuré qu’il n’avait jamais sollicité ni entretenu des relations avec « quelque politicien que ce soit ». Il a également affirmé qu’il n’a « rien à cacher » lorsque questionné par les membres du comité à savoir s’il était ouvert à la divulgation de plus de détails sur les baux qui lient ses entreprises au gouvernement.

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, s’est pour sa part scandalisé que le gouvernement ait versé 28 millions « en cachette » plutôt que de suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs afin de simplifier le processus pour les réfugiés.

« Les libéraux ont choisi de garrocher des millions [en] argent public vers un donateur libéral, a dit M. Boulerice. Et ça, sans appel d’offres. Parce que pour un libéral, tu sais, un chum, ça reste un chum ! »

En réponse aux questions de MM. Paul-Hus et Boulerice, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Helena Jaczek, et la secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marie-France Lalonde, ont tour à tour lu une déclaration semblable à celle du premier ministre.

Le chemin Roxham, situé en Montérégie, est emprunté par une foule de demandeurs d’asile potentiels depuis 2017. Ce passage de fortune est emprunté en raison de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Cet accord fait en sorte qu’un réfugié potentiel se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d’abord foulé le sol américain est refoulé puisqu’il doit poursuivre sa demande d’asile dans le premier « lieu sûr » où il est arrivé.

Ainsi, des personnes souhaitant tout de même demander l’asile au Canada traversent la frontière canado-américaine par des passages de fortune, comme le chemin Roxham, en Montérégie. Une fois qu’elles sont au Canada, leur demande d’asile peut être traitée.

Avec des informations d’Émilie Bergeron, La Presse Canadienne