(Ottawa) Les camions auraient pu être dégagés du centre-ville d’Ottawa une semaine après leur arrivée si tous les ordres de gouvernement avaient coopéré, a affirmé le maire Jim Watson lors de son témoignage à la Commission sur les mesures d’urgence, mardi. Le premier ministre Justin Trudeau et lui avaient alors partagé leur frustration face à l’inaction du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.

Un compte rendu de leur discussion tenue le 8 février a été présenté en preuve par la procureure principale de la Commission. C’était un peu plus d’une semaine après l’arrivée du « convoi de la liberté » dans la capitale fédérale. Il ne s’agit pas d’une transcription mot pour mot de leur conversation, mais il donne une bonne idée de leur réaction à l’approche adoptée par le gouvernement Ford, qui refusait de s’en mêler.

« Doug Ford se soustrait à ses responsabilités pour des raisons politiques comme vous l’avez souligné », affirme M. Trudeau lors de cette conversation téléphonique avec le maire Watson, le 8 février. « Il est important de ne pas le laisser s’en tirer comme ça et nous avons l’intention de vous soutenir là-dessus », poursuit-il.

« S’ils continuent de se traîner les pieds, je serai heureux de leur rappeler, lui répond M. Watson en faisant allusion à plusieurs membres du gouvernement ontarien. Ce serait bien d’avoir quelque chose de concret du gouvernement fédéral pour leur faire honte. Ford n’a même pas fait l’effort de venir [à Ottawa] pour constater ce qui se passe. »

Le maire tentait alors d’obtenir 1800 policiers supplémentaires pour venir en aide au Service de police d’Ottawa, qui était complètement débordé. Il était alors frustré de voir que la Police provinciale de l’Ontario avait été dépêchée au pont Ambassador à Windsor, et pas à Ottawa. Le premier ministre Ford avait même refusé de participer à une table tripartie fédérale-provinciale-municipale.

Lors de son témoignage, le maire Watson a exprimé son mécontentement face à la lenteur du gouvernement ontarien et du gouvernement fédéral à répondre à ses appels à l’aide, d’autant plus que les participants du « convoi de la liberté » manifestaient contre les mesures sanitaires et l’obligation vaccinale, de responsabilité provinciale et fédérale.

Nous aurions pu résoudre ce problème à la fin de la première semaine au lieu de la troisième semaine.

Jim Watson, maire d’Ottawa

Il a toutefois évité de s’étendre sur les raisons politiques qui, à son avis, auraient expliqué la réticence du premier ministre Doug Ford, un progressiste-conservateur, à s’en mêler. Le directeur général de la Ville, Steve Kanellakos, avait indiqué la veille que le premier ministre ontarien estimait qu’il s’agissait plutôt d’un problème d’application de la loi et qu’il revenait donc à la police de s’en occuper.

Appelé à réagir avant la période des questions, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a défendu la réaction du gouvernement fédéral tout en s’abstenant de blâmer la province. « La situation au siège du gouvernement fédéral sur la rue Wellington […] était pratiquement ingouvernable et c’est pourquoi nous avons invoqué la Loi sur les mesures d’urgence », a-t-il affirmé.

Le maire Watson s’est réjoui qu’elle ait permis à la Ville d’enfin obtenir des remorqueuses. Toutes les entreprises contactées avaient d’abord refusé de coopérer, notamment pour des questions de sécurité.

Le fédéral refuse de nommer un médiateur indépendant

Il est devenu évident assez rapidement que la police d’Ottawa ne suffisait pas à la tâche. Le maire a indiqué qu’un groupe de motards criminels du Québec s’était installé près du centre commercial Rideau sans donner davantage de précisions.

Des centaines de camions et des milliers de personnes paralysaient alors le centre-ville d’Ottawa. Le maire Watson a affirmé que « personne n’a pris au sérieux » le courriel d’un des organisateurs du convoi de camions envoyé quelques jours avant le début de la manifestation au président de l’association hôtelière et réclamant 10 000 chambres d’hôtel pour une durée de 30 à 90 jours. Les informations en provenance des organisateurs changeaient constamment, a-t-il rappelé, et cela semblait irréaliste, puisque le nombre total de chambres d’hôtel dans l’ensemble de la ville s’élève à 11 000.

Sous pression, les conseillers municipaux tentaient de trouver une solution alors que le gouvernement de l’Ontario refusait de s’en mêler. C’est ainsi que l’idée de demander au gouvernement fédéral de nommer un médiateur indépendant pour dénouer la crise a été suggérée. Une motion a été rédigée, mais elle n’a jamais été présentée au conseil municipal pour un vote.

Lorsque consultés, le ministre de la Protection civile, Bill Blair, et le ministre Mendicino ont fait connaître leur refus très rapidement au bureau du maire Watson. « Cette idée n’était pas du tout appuyée par le gouvernement fédéral », a-t-il relaté.

Dans sa déclaration d’ouverture la semaine dernière, l’avocat du gouvernement fédéral avait affirmé qu’une « attention particulière a été accordée à toutes les options » avant de faire appel en dernier recours à la Loi sur les mesures d’urgence.

La Commission sur l’état d’urgence doit déterminer si le gouvernement avait raison de recourir à cette loi pour la première fois de son histoire afin de mettre fin au « convoi de la liberté » à Ottawa et aux blocages de postes frontaliers ailleurs au pays. Il s’agit de l’un des deux garde-fous prévus dans cette législation adoptée en 1988.

Le premier ministre Ford n’a pas été invité à témoigner à la Commission. Deux hauts fonctionnaires du gouvernement ontarien apparaissent toutefois sur la liste des témoins.