(Ottawa ) Le député Alain Rayes claque la porte du Parti conservateur du Canada (PCC). Il siégera dorénavant comme député indépendant de Richmond-Arthabaska à la Chambre des communes après avoir été élu sous la bannière conservatrice pour la première fois en 2015.

« Je ne me retrouve plus à l’intérieur de ma propre formation politique dans laquelle je me suis investi depuis maintenant sept ans », a affirmé sur un ton solennel Alain Rayes, dans une vidéo adressée à ses électeurs qu’il a publiée sur les réseaux sociaux.

« Il y a des enjeux, il y a des valeurs, il y a des convictions sur lesquels, pour moi, je ne peux faire aucun compromis », a ajouté M. Rayes, qui a jeté son dévolu sur l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest durant la course à la direction du parti.

Voyez la vidéo d'Alain Rayes

Parmi ces enjeux, il a noté le respect de la loi et l’ordre, la protection des institutions canadiennes, la lutte contre les changements climatiques et la saine gestion des finances publiques, entre autres choses.

M. Rayes, qui a été lieutenant politique au Québec de l’ancien chef conservateur Andrew Scheer et a repris ces fonctions sous la houlette d’Erin O’Toole après les dernières élections fédérales, a indiqué dans une entrevue avec La Presse n’avoir « aucune intention » de se joindre aux libéraux de Justin Trudeau ou de participer à la création d’un autre parti.

Le nouveau chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, perd donc un député, malgré la victoire décisive qu’il a remportée samedi soir. Ce départ constitue un premier caillou politique dans les souliers du nouveau chef, qui a été plébiscité à la tête du parti par une forte majorité des quelque 420 000 membres qui ont voté. Cela lui a valu 68 % des points accordés en vertu des règles de la course au leadership, contre seulement 16 % à Jean Charest. M. Poilievre a remporté la majorité des appuis dans 330 des 338 circonscriptions, dont celle que représente M. Rayes.

Poilievre réagit

« Il [M. Rayes] a décidé de ne pas combattre l’inflation de Justin Trudeau », a déclaré M. Poilievre mardi après-midi lors d’une conférence qu’il avait convoquée pour réagir aux mesures de Justin Trudeau afin d’aider les Canadiens les moins bien nantis à affronter la hausse du coût de la vie.

Nous travaillons pour combattre les déficits et les taxes inflationnistes qu’impose Justin Trudeau. Les citoyens du comté d’Alain Rayes sont d’accord. Ils ont voté pour moi durant la course à la chefferie. Et je pense que tous les conservateurs qui restent sont du même avis.

Pierre Poilievre, chef du PCC

« Il faut contrer l’inflation de Justin Trudeau parce que les Canadiens ne peuvent plus payer les factures », a réitéré le nouveau chef.

M. Poilievre a tendu une perche aux députés du Québec, qui se sont rangés majoritairement dans le camp de Jean Charest durant la course, en effectuant une visite surprise à la réunion du caucus du Québec, lundi, avant le caucus national.

Cette visite a été saluée comme une volonté sincère du chef conservateur de rassembler les troupes. Toutefois, Alain Rayes n’était pas présent à la rencontre du caucus du Québec ni à celle du caucus national.

M. Rayes a affirmé ne pas quitter le parti sous le coup de la colère. « Je suis serein et zen avec ma décision », qui est « mûrement réfléchie ».

Principes incompatibles

En entrevue avec La Presse, mardi, M. Rayes est revenu sur les raisons qui ont alimenté sa réflexion. Ainsi, M. Rayes a précisé que l’appui qu’a accordé Pierre Poilievre au convoi des camionneurs l’hiver dernier est incompatible avec les principes du respect de la loi et l’ordre.

Il s’est aussi dit inquiet des retombées des attaques qu’a lancées M. Poilievre contre la Banque du Canada et le gouverneur Tiff Macklem. Selon lui, cela a pour effet d’affaiblir les institutions canadiennes.

« Les institutions canadiennes sont essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie. […] Je suis extrêmement inquiet aussi de l’alignement que va prendre le Parti conservateur face aux changements climatiques. Je n’ai aucunement le sentiment que l’on s’en va dans la bonne direction », a-t-il encore dit.

Un autre député québécois pro-Charest, Joël Godin, semble pour sa part avoir mis de l’eau dans son vin. Au mois d’août, il avait déclaré qu’une victoire de Pierre Poilievre provoquerait assurément une réflexion de son côté.

En entrevue sur les ondes du 98,5 FM, dimanche, il a dit être « très confortable » avec l’idée de travailler avec le nouveau chef, qu’il a félicité au passage pour sa « victoire impressionnante ». À l’extérieur du pays, mardi, l’élu de Portneuf–Jacques-Cartier n’a pas réagi à la défection de son collègue Rayes.

Avec Mélanie Marquis, La Presse