(San Juan) Des véhicules blindés en provenance du Canada sont arrivés en Haïti, samedi, pour aider la police à combattre un puissant gang, alors que le gouvernement local demande le déploiement immédiat de troupes étrangères. Cette possibilité n’est toutefois pas appuyée dans l’immédiat par Ottawa, qui privilégie toujours une solution intérieure.

« La solution durable au problème de sécurité en Haïti, c’est le renforcement de la Police nationale d’Haïti [PNH] », a déclaré l’ambassadeur du Canada en Haïti, Sébastien Carrière, lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada.

Le diplomate plaide pour des sanctions plus sévères à l’endroit des criminels qui prennent en otage la population et de ceux qui les supportent. À l’émission Les Coulisses du pouvoir, il a affirmé ne pas être prêt à endosser tout de suite le recours à une force armée internationale comme l’exige le premier ministre haïtien, Ariel Henri.

Une position appuyée par le chercheur indépendant d’origine haïtienne Jean-Claude Icart, selon qui une intervention étrangère en Haïti n’est pas souhaitable pour le moment.

« Ça fait un moment qu’on dit que pour la police [haïtienne], ça va prendre du renforcement, mais pas seulement des blindés, mais aussi en termes d’organisation, de services de renseignements. C’est ces choses-là qui sont importantes », affirme-t-il.

PHOTO RALPH TEDY EROL, REUTERS

Des manifestants réclamant la démission du premier ministre Ariel Henry se dispersent après des tirs de gaz lacrymogène par la police, à Port-au-Prince, le 10 octobre.

Qui plus est, la solution à l’insécurité actuelle dans le pays des Caraïbes ne relève pas uniquement de l’enjeu sécuritaire, insiste l’expert.

Ce n’est pas seulement une affaire de police. On a voulu faire de cette crise une affaire de sécurité, mais pour répondre aux demandes de la population, il faudrait d’abord les écouter et je ne suis pas sûr que ça se fasse.

Jean-Claude Icart, chercheur indépendant

Aide militaire

Un communiqué du département d’État américain, qui a aussi participé à la livraison du matériel militaire arrivé samedi, indiquait qu’il avait été acheté par le gouvernement haïtien, mais il n’a pas donné plus de détails sur les fournitures transportées vers la capitale de Port-au-Prince. Il s’agit d’une opération conjointe impliquant l’armée de l’air américaine et l’Aviation royale canadienne (ARC).

« Des aéronefs militaires canadiens et américains livrent du matériel et des fournitures — achetés par le gouvernement haïtien — à la Police nationale d’Haïti. Ce matériel aidera la police dans sa lutte contre les gangs criminels et contribuera à améliorer la sécurité », a écrit pour sa part sur Twitter le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

Le département d’État américain a fait une déclaration qui abonde dans le même sens indiquant que l’équipement aidera la Police nationale d’Haïti « dans sa lutte contre les acteurs criminels qui fomentent la violence et perturbent le flux d’aide humanitaire indispensable, entravant les efforts visant à stopper la propagation du choléra ».

L’Organisation panaméricaine de la Santé (OPS) a déclaré qu’il y avait plus de 560 cas suspects de choléra, quelque 300 hospitalisations et au moins 35 morts. Des experts avertissant que les chiffres sont probablement beaucoup plus élevés que ce qui est rapporté.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @KAWSACHUNNEWS

L’équipement militaire livré samedi à Port-au-Prince.

Terminal de carburant assiégé

L’équipement militaire livré samedi est arrivé plus d’un mois après que l’un des gangs les plus puissants d’Haïti a encerclé un terminal de carburant et exigé la démission du premier ministre Ariel Henry.

Des manifestants ont également bloqué les routes des grandes villes pour protester contre la forte hausse des prix du carburant après que M. Henry a annoncé début septembre que son administration ne pouvait plus se permettre de subventionner le carburant.

Depuis lors, les stations-service ont fermé, les hôpitaux ont réduit leurs services et les banques et les épiceries ont ouvert leurs portes de manière limitée alors que l’approvisionnement en carburant, en eau et en autres ressources diminue dans tout Haïti.

Les propriétaires du terminal de carburant ont annoncé samedi que des hommes armés avaient attaqué leurs installations pour la deuxième fois et se sont enfuis avec plus de 28 000 gallons de produits pétroliers après avoir maîtrisé le personnel de surveillance et d’urgence de l’installation.

C’était la deuxième fois cette semaine que des hommes armés ont fait irruption dans le terminal, qui stocke plus de 10 millions de gallons d’essence et de diesel et plus de 800 000 gallons de kérosène.

Avec l’Associated Press