Les quelques milliers de personnes massées au centre-ville de Québec mercredi ont réussi à apercevoir le pape François en fin de journée.

(Québec) Des dizaines d’Autochtones et des milliers de non-Autochtones se sont rassemblés sur les plaines d’Abraham mercredi pour assister en direct au discours du pape François, qui a renouvelé ses excuses pour les souffrances que leur a fait endurer le système colonial des pensionnats.

Quelques milliers de personnes ont convergé vers le Vieux-Québec mercredi pour assister à l’arrivée du pape François. Pour certains – dont des survivants des pensionnats pour Autochtones –, cette visite était à la fois porteuse d’espoir et difficile, en raison des mauvais souvenirs qu’elle remue.

D’autres y voyaient une occasion unique de voir le souverain pontife en personne.

Si beaucoup se pressaient derrière les clôtures en métal, dans l’espoir de recevoir la bénédiction du pape François quand il circulerait en papemobile en début de soirée, la foule sur les Plaines est demeurée clairsemée. L’ambiance, elle, était à l’attente, sous un soleil de plomb.

Excuses renouvelées 

La cérémonie d’accueil du pape, à la Citadelle de Québec, a débuté vers 18 h. Raymond Gros-Louis, aîné de la Nation huronne-wendat de Wendake, en a célébré l’ouverture. Il a aussi offert du foin d’odeur et une plume de dinde sauvage au pape François.

Le premier ministre Justin Trudeau a ensuite pris la parole, soulignant que la Commission de vérité et réconciliation avait demandé des excuses pour le rôle joué par l’Église catholique en tant qu’institution dans le système des pensionnats. La gouverneure générale du Canada, Mary Simon, a par la suite prononcé un discours en anglais, en français et en inuktitut.

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Le pape François avec le premier ministre fédéral Justin Trudeau, la gouverneure générale Mary Simon et Whit Fraser, conjoint de la gouverneure

Puis ce fut au tour du souverain pontife de prendre la parole. Deux critiques principales ont fait surface depuis ses excuses lundi, en Alberta : jamais il n’a mentionné les abus et agressions sexuels dans les pensionnats du Canada, et jamais il ne s’est excusé au nom de l’Église en tant qu’institution, préférant plutôt demander pardon pour le mal commis par de « nombreux chrétiens ».

Mercredi, le pape François a parlé d’un « système déplorable, promu par les autorités gouvernementales de l’époque, qui a séparé de nombreux enfants de leurs familles », et dans lequel « diverses institutions catholiques locales ont été impliquées ».

« C’est pourquoi j’exprime honte et douleur et, avec les évêques de ce pays, je renouvelle ma demande de pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones », a déclaré le pape François.

« Je trouve qu’il a eu une belle posture d’humilité, estime Patricia Blanchet, conseillère en pédagogie autochtone à l’Université de Sherbrooke, rencontrée sur place. Mais on aurait aimé qu’il aborde plus les enjeux des pensionnats. On est quand même rendus à 10 000 enfants retrouvés. »

Un peu plus tôt, le chef innu de la communauté de Mashteuiatsh, Gilbert Dominique, avait confié à La Presse espérer que le moment « passe à l’histoire ».

C’est un éveil collectif sur la terrible page d’histoire oubliée, cachée. C’est important que tout le monde soit au courant. Mais l’Église doit aller plus loin dans le processus de réconciliation. La réparation, ce n’est pas que des mots.

Gilbert Dominique, chef innu de la communauté de Mashteuiatsh

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Sortie du pape à la fin de la cérémonie

L’espoir de voir le pape

Le point culminant de la journée s’est passé sur les plaines d’Abraham quand le pape s’est déplacé dans la papemobile – un Jeep Wrangler blanc modifié – le long d’un trajet prédéterminé se rendant de la Citadelle à la scène dressée sur les Plaines. Des centaines de personnes se sont pressées de part et d’autre, le saluant ou tendant des tout-petits, dans l’espoir d’obtenir une bénédiction.

Anastasia Kamusuku-Kakola, sa fillette et sa voisine Céline Muzuti en faisaient partie. Au passage de La Presse, elles ont exprimé leur plaisir, en tant que nouvelles arrivantes, d’avoir la visite du pape au Québec. À leur côté, Lyne Deslauriers et Pierre Boulos, résidants de la capitale et fervents catholiques, étaient très excités.

On a décidé de venir dès l’annonce par appui au pardon face aux communautés autochtones et en appui à notre religion.

Lyne Deslauriers, résidante de Québec

Pour d’autres, c’est l’espoir de la réconciliation, plus que celle de la visite du pape, qui motive la visite. Marie-Thérèse et Elisabeth Besner, mère et fille, ont fait le trajet pour venir demander pardon en personne aux survivants des pensionnats, car une membre de leur famille en a dirigé un.

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Thérèse Thelesh-Bégin, survivante des pensionnats, qui faisait partie des marcheurs venus de Mashteuiatsh

Elles ont réussi à parler à une kukum (« grand-mère », en innu). Elles ont demandé pardon et se sont prises dans les bras. « C’était un moment vraiment exceptionnel, témoigne Mme Besner. Ça a été vraiment touchant pour nous aussi, parce qu’apprendre tout ça [l’histoire des pensionnats], c’est traumatisant. »

Vague orange

Les marcheurs qui ont parcouru 275 kilomètres à pied du pensionnat de Pointe-Bleue, à Mashteuiatsh, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, depuis une semaine, sont arrivés avec leurs sympathisants sur les plaines d’Abraham en début d’après-midi.

Portant des chandails orange, couleur du mouvement Chaque enfant compte, bâtons de marche et drapeaux à la main, ils sont montés sur la scène, émus. Ils étaient accompagnés des rythmes d’un tambour fait sur mesure pour l’occasion et « dédié aux survivants [des pensionnats pour Autochtones], aux familles et enfants qui ne sont jamais revenus », a précisé sur scène le directeur général de l’organisation Puamun Meshkenu, Jay Launière-Mathias.

« Je me sens contente d’être ici, a confié Marie Wapistan, aînée innue d’Ekuanitshit, sur la Côte-Nord. Je tenais absolument à venir parce que mon mari est un ex-pensionnaire. »

Le pape François célébrera une messe à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré ce jeudi à 10 h.

Avec La Presse Canadienne