(Ottawa) Un nouveau rapport de l’ombudsman responsable de superviser les opérations du service d’espionnage canadien dénonce l’échec de ce dernier à développer une expertise en demande de mandats judiciaires. Une spécialisation qui nécessite une formation, de l’expérience et des investissements, souligne-t-on.

Selon le rapport de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) doit aussi effectuer des changements fondamentaux à sa relation avec ses avocats du ministère de la Justice.

Au cours de leur enquête, les auteurs Marie Deschamps et Craig Forcese ont entendu de nombreux témoins rapporter des « problèmes systémiques, culturels et de gouvernance » mettant à risque la capacité du SCRS « de remplir le mandat que lui a confié le Parlement », peut-on lire.

C’est le juge Patrick Gleeson, de la Cour fédérale, qui avait recommandé en 2020 la tenue d’un « examen approfondi et indépendant » sur les « lacunes et défaillances systémiques, culturelles et liées à la gouvernance » du SCRS, qui avait alors été sanctionné pour des activités illégales et pour avoir manqué à « son obligation de franchise » envers la cour.

Le rapport de l’OSSNR soutient que le SCRS et ses avocats peinent « à respecter leurs obligations légales facilement, notamment envers la Cour fédérale ».

« Il est dans l’intérêt public de résoudre ces problèmes de façon urgente. Si le SCRS et le ministère de la Justice ont remédié à certains problèmes, des difficultés demeurent flagrantes », peut-on lire dans le rapport.

Le gouvernement fédéral a dit être d’accord avec la majorité des 20 recommandations formulées par l’ombudsman.

Obligation de franchise

Le service d’espionnage canadien a une « obligation de franchise » envers le tribunal lorsqu’il se présente devant lui pour obtenir un mandat. Il doit donc dévoiler au juge des détails sur la crédibilité des sources qui fournissent les informations utilisées dans la demande de mandat, ainsi que sur la manière plus large dont il sera exécuté.

Or, « malgré les tentatives de réformer le processus actuel relatif aux mandats adoptés par le SCRS et appuyé par le ministère de la Justice, le processus relatif aux mandats a à maintes reprises manqué à l’obligation de franchise. Les nombreuses réformes semblent avoir contribué à la complexité bureaucratique du processus en question sans régler les problèmes de franchise », dénoncent les auteurs du rapport.

Les auteurs plaident donc pour un nouveau processus simplifié relatif aux mandats.

« Une fois rationalisé, le système devrait réduire au minimum les retards engendrés par les approbations de la direction et réinvestir le temps économisé dans les étapes d’optimisation des demandes. »

Moral au plus bas

L’OSSNR a également constaté la Division de l’apprentissage et du perfectionnement du SCRS ne reçoit pas les ressources requises pour mettre en place des programmes de formation complets, particulièrement dans les domaines spécialisés qui ne sont pas couverts par la formation que les agents du renseignement reçoivent en début de carrière.

Par ailleurs, les auteurs soulignent qu’à la suite de leurs entretiens effectués au cours de leur enquête, ils constatent que « le moral serait particulièrement bas au SCRS ».

« Il y a probablement plusieurs raisons qui expliquent ce problème lié au moral. Et les problèmes éprouvés sur le plan systémique et sur le plan de la gouvernance pour ce qui a trait au processus relatif aux mandats n’y sont certes pas étrangers », souligne l’OSSNR.

Parmi les engagements fédéraux décrits dans une réponse au rapport figure le plan de Sécurité publique Canada visant à élaborer un processus de vérification amélioré pour les demandes de mandat.

L’OSSNR affirme qu’une véritable procédure de contestation indépendante renforcera le processus de vérification des mandats et améliorera la responsabilité ministérielle.