(Ottawa) La proposition du maire d’Ottawa, Jim Watson, de vendre les véhicules saisis pendant l’opération policière pour éponger une partie de la facture – qui pourrait atteindre 30 millions – a de quoi séduire les contribuables de la capitale, mais des experts doutent de sa faisabilité.

Selon le plus récent bilan du Service de police d’Ottawa (SPO), mercredi, 115 véhicules ont été remorqués jusqu’à présent, la majorité dans les rues du centre-ville. D’autres ont été confisqués sur le site de Coventry, près du stade de baseball, qui faisait office de camp de ravitaillement.

« Si votre véhicule a été remorqué, il sera mis en fourrière pendant sept jours », a dit le SPO. Une fois cette semaine écoulée, « vous recevrez un formulaire de décharge », qui devra être présenté « pour que le véhicule vous soit remis », a spécifié dimanche passé le SPO dans un communiqué.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jim Watson, maire d’Ottawa, lors d’une annonce en mars 2021

Or, le maire Watson semble avoir une autre idée en tête. « Nous avons le pouvoir de confisquer ces véhicules et de les vendre », a-t-il lancé sur les ondes de CBC, samedi dernier, arguant que la Loi sur les mesures d’urgence – qui a été abrogée mercredi par le premier ministre Trudeau – le lui permettait.

Est-ce le cas ? « L’opérationnalisation [appartient] aux forces policières », et « sur les questions techniques, sur ce qu’on peut faire avec les véhicules, par exemple », cela pourrait être leur prérogative, a avancé lundi dernier le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, après que la loi eut été approuvée en Chambre.

Facture élevée

Dans les bureaux de l’hôtel de ville, on se penche sur la façon dont on pourrait y arriver, a affirmé mercredi le directeur municipal, Steve Kanellakos. Car « on a beaucoup dépensé durant cette manifestation, et on pense que ça coûtera près de 30 millions », a-t-il déclaré devant le conseil municipal, mercredi matin.

« On nous a demandé si on ne pourrait pas vendre les véhicules saisis afin de payer une partie des coûts. Le chef du contentieux a vérifié s’il y avait des avenues légales, et nous allons présenter ses conclusions le plus tôt possible », a souligné M. Kanellakos, ajoutant que le montant exact de la note serait dévoilé sous peu.

Le conseiller municipal du quartier Rideau-Vanier, Mathieu Fleury, voit en la suggestion du maire une « idée » qui mérite d’être débattue. Les résidants d’Ottawa « ne devraient pas, par leur taxe foncière, être assujettis à [ces] coûts additionnels », a-t-il affirmé en entrevue.

« Il faut que ça passe devant un tribunal »

L’idée n’est pas si simple à mettre en pratique, estime l’avocat Denis Gallant.

« Je veux bien, mais si on va sur la voie du droit criminel, ça ne peut pas se faire demain matin. Il faut que ça passe devant un tribunal », soutient celui qui a été procureur à la commission Charbonneau et patron du Bureau de l’inspecteur général à Montréal, entre autres.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

L’avocat Denis Gallant, en 2018

On n’est pas comme aux États-Unis ou dans certains pays où on confisque [des biens], et on en fait ce qu’on veut. Pour avoir mené des dossiers d’envergure, je peux vous dire qu’il y a des biens qui sont restés dans les mains gouvernementales pendant des années avant qu’on puisse en faire quoi que ce soit.

Denis Gallant, avocat

Les véhicules sur lesquels on a mis le grappin depuis vendredi dernier pourraient être considérés comme des biens infractionnels, si l’on parvient à démontrer que les camions ont été utilisés pour commettre une infraction de méfait public, analyse l’avocat Louis Belleau.

« Mais de toute façon, pour arriver à un résultat de confiscation, il faudrait passer par un processus. […] Ça ne peut pas se faire de façon sommaire comme ça, sous prétexte qu’on a saisi le véhicule et qu’on peut le vendre et payer nos dépenses. Il y a toute une procédure, et c’est quand même assez complexe », expose-t-il.

Les rues du centre-ville ont été largement dégagées des centaines de poids lourds qui y avaient élu domicile à partir du 28 janvier dernier. L’occupation a nécessité une intense mobilisation du SPO ainsi que des renforts de plusieurs corps de police des quatre coins du pays.

« Je ne pense pas que les contribuables d’Ottawa devraient payer cette facture […] avec laquelle nous serons pris en raison de l’irresponsabilité et des activités illégales d’une bande de camionneurs et d’autres qui ont montré peu de considération pour notre communauté et ses habitants », a martelé le maire Watson sur les ondes de CTV, la fin de semaine dernière.

Le premier magistrat a fait l’objet de nombreuses critiques pour sa gestion de crise. En décembre dernier, il avait annoncé qu’il ne solliciterait pas un nouveau mandat aux commandes de la ville aux élections de novembre prochain.

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  • 3700
    Nombre de contraventions distribuées par les policiers d’Ottawa lors de l’occupation par des manifestants
    Source : direction municipale de la ville d’Ottawa