(Windsor, Ottawa et Montréal) Samedi sous tension à Windsor, où des manifestants sont demeurés aux abords du pont Ambassador. Quoique déplacée par les policiers, la foule n’avait toujours pas été évacuée des lieux en soirée, malgré les pressions sur l’économie. À Ottawa, l’état d’urgence décrété vendredi par l’Ontario n’a pas freiné les manifestants, venus en grand nombre gonfler les rangs des camionneurs, déterminés à rester.

« Nous voulons la liberté », faisait chanter à la foule Dave Mota, en utilisant deux klaxons fixés à un bâton de hockey et reliés à une génératrice. « J’étais à Ottawa les deux dernières fins de semaine, mais je suis venu manifester à Windsor parce que c’est ma ville natale », raconte-t-il à La Presse, en transportant un bidon d’essence.

La police surveillait d’un œil sévère les véhicules à proximité du pont frontalier, lien stratégique reliant Windsor à la ville de Detroit, aux États-Unis. La situation a peu évolué : les manifestants ont été déplacés, mais l’accès au pont demeure fermé.

Samedi soir, une rangée de protestataires défiaient toujours les autorités. Malgré l’opération policière entamée en matinée. Faisant fi de l’injonction de la Cour supérieure de l’Ontario ordonnant leur départ.

PHOTO JEFF KOWALSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Barrage frontalier du pont Ambassador, samedi

La police a déclaré samedi en fin de soirée qu’elle avait arrêté un homme de 27 ans au barrage frontalier du pont Ambassador. Les services policiers allèguent qu’il a commis une infraction pénale en relation avec la manifestation, mais ils n’ont pas précisé quels chefs d’accusation pourraient être portés contre lui.

Des policiers, de la GRC, de la Police provinciale de l’Ontario et d’autres corps municipaux sont aussi venus prêter main-forte à leurs collègues.

Plus tôt, des dizaines de voitures de police sont arrivées au pied du pont Ambassador pour déloger les camionneurs qui s’y trouvaient.

Au cours de la journée, l’une des principales tentes de ravitaillement a été démontée. Un camion en tête de file a été le premier à libérer la voie, faisant retentir son klaxon. Autour de lui, des protestataires ont levé le poing.

Des renforts sont arrivés les forçant à reculer, libérant ainsi l’intersection principale. Les policiers étaient appuyés par deux véhicules blindés de la GRC et de nombreuses autos de police. Les quelque 200 manifestants ont réagi à la démonstration de force en chantant l’Ô Canada avant de reculer.

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Les policiers étaient appuyés par deux véhicules blindés de la GRC, à Windsor, en Ontario, samedi.

« Nous savons que vous ne voulez pas faire ça », a crié un homme, faisant des allers-retours devant le rang formé par des policiers.

Anita Smith, venue de Waterloo, tenait une pancarte où l’on pouvait lire « Descendez et joignez-vous à nous », en regardant les agents de la paix. « Nous voulons la liberté de choisir, nous ne voulons pas d’obligation, lance-t-elle. De plus en plus de gens ressentent cela et les camionneurs sont les premiers à avoir dit non. »

De nouveaux avertissements du fédéral

Après avoir plaidé vendredi que les manifestants « se sont fait entendre » et que « c’est maintenant le temps de rentrer chez eux », le premier ministre Justin Trudeau a convoqué le Groupe d’intervention en cas d’incident pour faire le point sur la situation et mettre fin aux barrages.

« Le groupe a insisté sur les torts très concrets que l’économie canadienne subit chaque heure où ces barrages illégaux restent en place. Les membres ont réitéré leur engagement inébranlable à défendre les emplois, le commerce et l’économie », explique-t-on par communiqué.

Ottawa évalue « toutes les possibilités » pour mettre un terme aux barrages et prévient que les conséquences des actes illégaux seront de plus en plus sévères.

Le blocage du pont Ambassador, au cœur du commerce transfrontalier, a poussé Washington à intervenir auprès du gouvernement Trudeau.

Le président des États-Unis, Joe Biden, et la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, ont exhorté les autorités canadiennes à rouvrir le pont et à endiguer l’hémorragie économique qui menace maintenant le gagne-pain d’un grand nombre de personnes des deux côtés de la frontière.

« Nous n’allons pas bouger »

Durant la journée, l’ardeur des opposants aux mesures sanitaires ne faiblissait pas, malgré la haie de policiers qui les faisaient reculer.

« Nous ne sommes pas armés et nous sommes pacifiques, fait valoir Fernando Goertzen, résidant de Windsor. Mais nous n’allons pas bouger. »

Shane, qui n’a pas voulu donner son nom de famille, était avec ses deux fils venus en trottinette. « Ils ont besoin de voir ce qui se passe », lance-t-il.

Certains d’entre eux brandissaient des croix ou faisaient flotter des drapeaux canadiens. D’autres agitaient le drapeau américain historique portant la devise Don’t Tread on Me [« Ne me marche pas dessus »], très visible durant l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021.

« L’objectif est de désamorcer la situation de façon pacifique et par la médiation », a indiqué aux journalistes Jason Bellaire, de la police de Windsor, incapable de confirmer si le pont serait évacué pour de bon à la fin de la journée samedi.

Des milliers de manifestants à Ottawa

Pendant que les opposants aux mesures sanitaires bloquaient le pont à Windsor, des milliers d’autres contestataires occupaient toujours la rue Wellington à Ottawa.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Anne et André, des Hautes-Laurentides

Anne et André ont entamé samedi leur troisième semaine dans leur camion, stationné dans la rue Wellington, en face du parlement. « Ça va très bien, ça ne peut pas mieux aller. On est ici depuis le premier vendredi », lance la femme qui vient des Hautes-Laurentides. Des manifestants viennent leur porter de l’argent, des cartes et des cadeaux directement à leur fenêtre. D’autres leur demandent des autographes.

Quelques mètres plus loin, George Psanu tient bien haut un mât où sont accrochés les drapeaux du Québec, du Canada et de la Roumanie, son pays d’origine. Le camionneur a perdu son emploi en janvier, puisqu’il ne voulait pas se faire vacciner.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

George Psanu

Le Lavallois se rend chaque fin de semaine dans la capitale, afin de protester contre les mesures sanitaires. Il vient rejoindre son ami, qui vit dans son camion depuis le début du mouvement. « Je lui apporte ce dont il a besoin, comme de la nourriture », dit-il.

Sur place, des manifestants distribuent gratuitement de la nourriture, des boissons chaudes et des chauffe-mains. Les manifestants dansent, chantent et scandent en chœur « Liberté ».

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Alain Bergeron et Sylvie Allard

Sylvie Allard et son collègue Alain Bergeron se sont joints au rassemblement pour la première fois samedi. « On était les derniers non-vaccinés à notre travail. Malheureusement, on a été mis au pied du mur et on est allés se faire vacciner par obligation pour ne pas perdre notre emploi », dit la femme qui travaille dans une usine de produits chimiques en Montérégie. Elle dénonce aujourd’hui les mesures sanitaires obligatoires.

De son côté, le Service de police d’Ottawa affirme déployer toutes les ressources disponibles pour mettre fin à la manifestation illégale au centre-ville.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Manifestation devant la colline parlementaire, samedi

« Au cours de la nuit, les manifestants ont fait preuve d’un comportement agressif à l’égard des forces de l’ordre, notamment en refusant de suivre les directives, en submergeant les agents et en entravant les efforts d’application de la loi », ont-ils indiqué dans un communiqué publié samedi matin.

Le Service de police d’Ottawa a affirmé « avoir un plan » pour mettre fin à cette occupation illégale. Il a indiqué qu’ils attendaient les renforts nécessaires pour le faire.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Des camions occupent toujours le centre-ville d’Ottawa.

Depuis l’arrivée des manifestants à Ottawa à la fin du mois de janvier, la police a remis plus de 2600 constats d’infraction. Il y a eu 26 arrestations en lien avec des accusations criminelles et deux arrestations pour intoxication publique.

D’autres manifestations se sont déroulées notamment à Montréal, Halifax, Fredericton et Regina.