(Ottawa) Les missions diplomatiques canadiennes et leur personnel ont reçu un avis d’Affaires mondiales Canada leur demandant de surveiller l’apparition de symptômes pouvant être le signe du mystérieux syndrome de La Havane.

Des malaises inexpliqués ont notamment été rapportés parmi des diplomates canadiens à Cuba et du personnel américain dans divers pays.

En septembre, Affaires mondiales Canada a tenu des séances d’information à son quartier général à Ottawa avec des cadres supérieurs, des chefs de missions à l’étranger et des partenaires des autres ministères fédéraux qui travaillent dans les ambassades, indique une note d’information récemment divulguée.

Le 7 octobre dernier, un message audio aux employés d’Affaires mondiales Canada décrivait les symptômes et comment les rapporter, souligne un document préparé en novembre pour la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Des diplomates canadiens et les membres de leur famille installés à La Havane, à Cuba, ont rapporté avoir des ennuis de santé depuis 2017, comme des maux de tête, des pertes de mémoire et de concentration, des troubles cognitifs et de vision, de la sensibilité au bruit, du vertige, des nausées, de l’insomnie et des changements d’humeur ainsi que des saignements du nez.

Quinze Canadiens ont reçu un diagnostic de « lésion cérébrale acquise », a fait savoir le ministère.

Récemment, plusieurs Américains qui travaillent en Chine, en Autriche et même à Washington ont dit avoir éprouvé des problèmes de santé similaires.

« Les médias continuent de rapporter des problèmes de santé inexpliqués au sein du personnel américain à l’étranger, ce qui préoccupe également les employés canadiens à l’étranger », indique la note rédigée en novembre dernier pour la ministre Joly.

Les séances d’informations des Affaires mondiales Canada ont été menées « par excès de prudence pour faire face à nos obligations », précise la note.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont aussi envoyé des avis similaires à leur personnel, a indiqué le ministère.

Le SCRS compte notamment des bureaux à même certaines représentations diplomatiques du Canada à l’étranger.

« Conformément aux protocoles d’Affaires mondiales Canada pour répondre à tout évènement inhabituel affectant les responsables canadiens à l’étranger, le SCRS a avisé ses employés en conséquence », a déclaré la porte-parole des services de renseignement, Keira Lawson.

Du côté d’Affaires mondiales Canada, la porte-parole Patricia Skinner a refusé de préciser si de nouveaux cas ont été rapportés depuis les séances d’information du ministère en 2021 pour expliquer comment reconnaître les symptômes du syndrome de La Havane.

« Pour des raisons de sécurité et de confidentialité, nous ne pouvons pas commenter les enquêtes en cours concernant des cas spécifiques ni les détails des mesures de sécurité mises en place », a-t-elle déclaré.

En raison de cette situation préoccupante à Cuba, depuis avril 2018, les diplomates canadiens à La Havane ne peuvent plus être accompagnés de leurs conjointes ou de leurs enfants.

En janvier 2019, Affaires mondiales Canada avait même réduit de moitié sa représentation diplomatique à La Havane.

« Affaires mondiales Canada a l’intention d’augmenter leur nombre en temps voulu », a affirmé Mme Skinner.

Des données du ministère obtenues par La Presse Canadienne, grâce à la Loi sur l’accès à l’information, précisent qu’un retour à la normale du personnel canadien dans la capitale cubaine a été mis temporairement sur pause en mars dernier, à la lumière d’un nouveau cas qui s’apparente au syndrome de La Havane.

Mme Skinner a refusé de préciser si ce cas a été confirmé.

Huit diplomates canadiens et des membres de leur famille qui sont tombés malades pendant qu’ils étaient postés à Cuba poursuivent Ottawa devant la Cour fédérale pour des millions de dollars en dommages et intérêts.

L’avocat de ces familles, Paul Miller, a affirmé en entrevue qu’au moins un nouveau plaignant s’est ajouté à la poursuite, possiblement un diplomate en poste à Cuba dont le cas avait été soulevé en mars 2021.

Selon Me Miller, d’autres diplomates malades ne veulent pas se joindre à la poursuite pour éviter les effets néfastes que cela pourrait causer à leur carrière.

« Et cette dernière personne a pris un certain temps avant de décider d’aller de l’avant », a précisé l’avocat.

La poursuite allègue que le gouvernement canadien a failli à les protéger, a caché de l’information cruciale et a minimisé la gravité des risques.

Le gouvernement nie avoir été négligent et souhaite que le tribunal rejette l’action.