Les snowbirds ont dû s’armer de patience avant de renouer avec le soleil de la Floride. On comptait déjà deux ou trois heures d’attente à la frontière terrestre canado-américaine, rouverte lundi matin pour la première fois depuis mars 2020. Puis un second bémol : le test PCR (plutôt coûteux) obligatoire à leur retour au pays, expliquent les voyageurs canadiens et les commerçants américains.

Les États-Unis ont rouvert leur frontière terrestre aux Canadiens doublement vaccinés à minuit lundi, après 20 mois. Vers 6 h 30, une file interminable attendait les voyageurs à bord de leur véhicule. Seules quatre guérites étaient fonctionnelles à l’arrivée de La Presse, ce qui ralentissait le processus à la douane.

Ce léger désagrément n’a pas effacé le sourire de Richard Pellerin. Au volant de son rutilant VUS, l’homme de Boisbriand se voyait déjà les deux pieds dans le sable. Réveil à 4 h, temps d’attente démesuré, test PCR au retour : rien ne pouvait gâcher le moment. « J’espère quand même qu’à mon retour, ils auront enlevé le dépistage », a expliqué l’homme doublement vacciné.

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Richard Pellerin se voyait déjà les deux pieds dans le sable.

Aucun test de dépistage pour la COVID-19 n’est requis pour traverser la frontière vers les États-Unis. Les citoyens de 5 ans et plus doivent toutefois subir un test moléculaire (test PCR) dans les 72 heures avant leur retour au bercail.

Andrée Pilote s’est mise en route vers 3 h lundi matin. Elle était toujours coincée dans la circulation entre deux véhicules récréatifs cinq heures plus tard. « Enfin ! Ça fait deux ans qu’on attend ça. Donc attendre quelques heures de plus… » Direction la Floride pour plusieurs mois, une fois la douane franchie. La situation sanitaire là-bas l’inquiète peu.

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Andrée Pilote s’est mise en route vers 3 h lundi matin. Elle était toujours coincée dans la circulation cinq heures plus tard.

C’est le retour à la normale. On est vaccinés et on prendra nos précautions comme ici.

Andrée Pilote, résidante du Québec se dirigeant vers la Floride

En théorie, les Canadiens doivent présenter une preuve de vaccination pour entrer aux États-Unis. Aucune preuve vaccinale n’a été pourtant requise lundi matin pour de nombreux snowbirds, a constaté La Presse.

Le douanier en poste à la deuxième guérite inspectait machinalement les passeports et entamait un dialogue truffé de formules de politesse avec quelques questions de base sur la visite aux États-Unis. Aucune mention de la preuve vaccinale.

Suzanne Gauvin et Denis Gagnon se sont empressés d’exhiber leur application VaxiCode à l’agent frontalier. Il n’y a même pas jeté un regard. « On s’attendait vraiment à devoir fournir la preuve. Mais en même temps, ils doivent savoir que la plupart du monde ici est vacciné. »

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Suzanne Gauvin et Denis Gagnon

Christian Archambault et France Cournoyer passeront les cinq prochaines semaines à Hallandale Beach.

« Mine de rien, prendre l’avion, c’est une perte de temps et d’argent. Ça nous force à louer un véhicule, alors que nous, on préfère notre voiture », explique le retraité en vérifiant le niveau de chargement de la batterie de sa Tesla flambant neuve.

Il s’étonne du peu d’effectifs à la douane en matinée, alors que l’ouverture était prévue depuis un bail.

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France Cournoyer et Christian Archambault rechargent leur Tesla avant de continuer la route vers la Floride.

Ils sont contents qu’on revienne, mais ils ne déroulent pas le tapis rouge !

Christian Archambault

Et puis, il y a le test moléculaire requis au retour. « On va le faire s’il le faut, mais on croise nos doigts que cette consigne soit abolie. C’est un peu absurde d’exiger le PCR. Si le voyage n’était pas aussi long, ça nous dérangerait. »

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Vers 6 h 30 lundi matin, une file interminable à la douane accueillait les voyageurs à bord de leur véhicule.

Un test ou un obstacle ?

L’ambiance était moins survoltée à Plattsburgh, à 25 minutes de route de la frontière. Au centre-ville, les charmants cafés troisième vague côtoient les librairies indépendantes et les pizzerias à l’allure rétro.

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Centre-ville de Plattsburgh, au premier jour de la réouverture de la frontière terrestre canado-américaine

Steve Brody, propriétaire de la chaîne de brocantes Antique & Variety Mall, pensait accueillir des acheteurs québécois dans les prochaines semaines. Environ 15 % de sa clientèle provient de l’autre côté de la frontière. « Le test PCR au retour, ça les refroidit. Tu ne vas pas payer entre 100 $ et 200 $ juste pour aller courir les aubaines chez un antiquaire », explique-t-il, la moue boudeuse malgré son évidente bonhomie.

Deux de ses habitués – des Montréalais – lui ont écrit pour lui signaler qu’ils seraient de retour, mais pas avant que la consigne du test PCR soit levée.

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Steve Brody, propriétaire de la chaîne de brocantes Antique & Variety Mall, à Plattsburgh

Je trouve ça dommage. C’étaient des gens qu’on voyait une fois par mois avant la pandémie.

Steve Brody, propriétaire de la chaîne de brocantes Antique & Variety Mall, à Plattsburgh

Passer un test PCR n’est pas la fin du monde, nuance-t-il. Mais pour une famille ou un couple qui souhaite seulement s’évader le temps d’un week-end, « le coût surpasse le bénéfice ».

Brandon Martineau, gérant du café Chapter One, se réjouit de l’arrivée potentielle de touristes québécois. Comme bien des commerçants, une partie de sa clientèle traverse la frontière le temps d’un week-end. Mais le « momentum » est passé. « L’hiver arrive et les gens vont de moins en moins venir flâner. Ils vont dans le Sud. Au début de l’été, on aurait senti un achalandage », explique-t-il entre deux cafés latte à la citrouille épicée.

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Brandon Martineau, gérant du café Chapter One, à Plattsburgh

Rappelons que la frontière canadienne est accessible aux voyageurs non essentiels pleinement vaccinés en provenance des États-Unis depuis le 9 août dernier.

Au retour de La Presse au pays, la douane est vide. L’agente frontalière vérifie avec minutie les preuves vaccinales et les tests de dépistage négatifs à la COVID-19. Les voyageurs qui quittent les États-Unis sont également priés de télécharger l’application ArriveCan pour transmettre des renseignements de voyage obligatoires avant et après l’entrée au Canada.

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Au retour de La Presse au pays, la douane est vide.

Un groupe composé de maires de diverses villes situées en bordure de la frontière exige le retrait de l’exigence du test PCR et a lancé un appel au gouvernement fédéral. Il s’agit d’une « barrière pour les familles, à l’exception des mieux nantis ». « C’est injuste », a expliqué le maire de Windsor, Drew Dilkens.