(Ottawa) Le président français Emmanuel Macron veut discuter en tête-à-tête avec le premier ministre Justin Trudeau – bientôt – et il espère davantage que de faire la causette en marge des prochains sommets.

L’ambassadrice de France au Canada, Kareen Rispal, a déclaré qu’en plus des dossiers en cours que les deux pays ont entamés avant la pandémie de COVID-19, M. Macron souhaite entendre le point de vue de M. Trudeau sur l’alliance formée le mois dernier entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie.

La nouvelle alliance AUKUS a mis le président Macron en colère et a été perçue par la France comme un coup de poignard dans le dos d’alliés de confiance.

Le premier ministre Trudeau a ignoré l’exclusion du Canada, affirmant que l’alliance consiste à vendre des sous-marins nucléaires australiens – quelque chose qui n’intéresse pas le Canada.

« C’est très vague. La seule annonce concernant ce club est la perspective de fournir à l’Australie des sous-marins », a déclaré Mme Rispal dans une récente entrevue à l’ambassade de France à Ottawa.

« Donc, pour nous, c’est assez faible. »

L’accord d’AUKUS a été formé pour aider l’Australie à faire face aux retombées de l’influence croissante de la Chine dans l’Indo-Pacifique. Aider l’Australie à acquérir une flotte de sous-marins nucléaires a été présenté comme l’élément clé, mais cela a également permis d’établir une plus grande coopération dans les industries de défense des trois pays.

Cela a irrité la France parce que ses fournisseurs en matière de défense construisent également des sous-marins nucléaires. M. Macron a répliqué à l’annonce de l’AUKUS en rapatriant son ambassadeur à Washington.

Il est depuis retourné à son poste, tandis que les hauts responsables de l’administration Biden s’efforcent d’apaiser la frustration des Français. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est rendu à Paris la semaine dernière pour rencontrer le président Macron. M. Macron travaille à l’organisation d’une rencontre avec le président Joe Biden.

Mme Rispal a déclaré que M. Macron souhaitait également rencontrer M. Trudeau en personne.

« Il est très important de se réunir et de tenir une réunion à Paris ou à Ottawa très bientôt, et de discuter de questions stratégiques. Nous sommes impatients de renforcer notre lien transatlantique, a déclaré l’ambassadrice Rispal. Nous entretenons des relations de confiance et d’amitié avec le Canada. »

Un porte-parole de M. Trudeau a déclaré que le premier ministre était heureux de participer avec M. Macron au sommet virtuel des dirigeants du G20 sur l’Afghanistan de mardi et de l’avoir rencontré en personne lors de la réunion du G7 organisée par le Royaume-Uni en juin dernier, mais il a été incapable de confirmer qu’une réunion est dans les cartons.

« Le premier ministre Trudeau a hâte de s’asseoir à nouveau avec le président Macron à la première occasion », a affirmé le porte-parole Alex Wellstead dans un courriel.

Les deux pays sont très préoccupés par les défis croissants dans l’Indo-Pacifique, en particulier l’influence militaire et politique croissante de la Chine, a déclaré Mme Rispal.

« Je pense que le Canada, comme la France, est très conscient que la Chine est un concurrent — elle pourrait être une partenaire sur certains sujets, et peut être une menace militaire ou stratégique », a soutenu l’ambassadrice.

« Je crois que nous partageons le même point de vue que le modèle que Pékin veut imposer n’est pas celui que nous voulons étendre », a-t-elle ajouté, citant les points de vue du Canada et de la France sur les droits de l’homme et la nécessité de respecter le droit international et les règles commerciales.

L’ambassadrice Rispal a affirmé que la pandémie a empêché tout travail de suivi significatif sur un accord que les deux dirigeants ont signé il y a trois ans pour approfondir la coopération sur la promotion de la démocratie et de l’égalité des sexes, ainsi que la lutte contre le changement climatique.

M. Macron s’est rendu à Ottawa en juin 2018 pour un tête-à-tête avec M. Trudeau avant le sommet des dirigeants du G7 à Charlevoix, au Québec, où ils ont convenu de créer un Conseil des ministres franco-canadien qui devait se réunir tous les deux ans, mais qui ne l’a pas fait en raison de la pandémie.

« La COVID n’est peut-être pas terminée, mais vous savez, nous sommes dans une meilleure position, a déclaré Mme Rispal. Il est temps d’être ensemble physiquement dans la même pièce. Et d’avoir une discussion forte sur des sujets stratégiques, sur des sujets économiques, sur l’innovation, sur l’environnement. »

Emmanuel Macron veut qu’une réunion se tienne avant fin 2021, a-t-elle précisé.

Les calendriers électoraux de la France et du Canada serrent les deux dirigeants. Les élections canadiennes ont récemment eu lieu, mais les électeurs français doivent se rendre aux urnes en avril.

« La fenêtre est étroite », a noté Mme Rispal.