(Ottawa) Un officier supérieur des Forces armées canadiennes qui avait rédigé un « certificat de moralité » pour un délinquant sexuel reconnu coupable ne sera plus chargé d’examiner les moyens d’éliminer les inconduites sexuelles au sein de l’armée.

La vice-cheffe d’état-major de la défense, la lieutenante-générale Frances Allen, a indiqué que le major-général Peter Dawe avait été réaffecté à d’autres fonctions. Il s’agit d’une volte-face soudaine, deux jours après qu’un reportage faisant état de ses nouvelles fonctions ait soulevé l’indignation de survivantes d’agressions sexuelles au sein de l’armée.

« À la suite d’une discussion honnête avec les membres de la communauté des survivants, j’ai décidé que, pour l’instant, le major-général Dawe entreprendra la tâche importante de s’engager auprès de cette communauté, comme d’autres membres l’ont fait, afin de mieux comprendre comment il peut contribuer à un changement de culture significatif », a expliqué la lieutenante-générale Allen dans un communiqué, mardi soir.

« La communauté des survivants nous a bien fait comprendre que ce genre d’engagement réparateur est essentiel pour que les membres puissent véritablement mesurer l’expérience vécue par les survivants. »

Le major-général Dawe avait d’abord été relevé de ses fonctions de commandant des forces spéciales du Canada, en avril dernier, à la suite d’un reportage de la CBC selon lequel il avait écrit un « certificat de moralité » quatre ans plus tôt pour un soldat reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement la femme d’un compagnon d’armes.

M. Dawe a rapidement offert ses excuses aux militaires et le chef d’état-major par intérim, le général Wayne Eyre, expliquait à l’époque dans un communiqué qu’il avait toujours confiance dans cet officier supérieur, « qui a accepté l’entière responsabilité et a appris de cette affaire tragique ».

Le général Eyre a néanmoins reconnu que les gestes de M. Dawe avaient causé de « la division et de la souffrance » au sein de l’armée, et qu’il prendrait son temps avant de décider si et quand l’ancien commandant des forces spéciales serait réintégré dans ses fonctions.

Trois enquêtes d’ex-juges

Pourtant, mardi, le ministère de la Défense a confirmé un article du quotidien Ottawa Citizen selon lequel M. Dawe avait été discrètement chargé de recueillir et d’examiner les recommandations de trois enquêtes externes distinctes menées par des juges à la retraite de la Cour suprême.

Deux de ces examens – l’un mené en 2015 par Marie Deschamps et l’autre, actuellement en cours, mené par Louise Arbour – traitent spécifiquement de la lutte contre les inconduites sexuelles au sein de l’armée. Un troisième rapport, de l’ex-juge Morris Fish, a été publié en juin et est axé sur le système de justice militaire, mais comprend également d’importantes sections sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés et illégaux dans l’armée.

La lieutenante-générale Allen indique maintenant que l’un de ses rôles en tant que commandant en second de l’armée est de « coordonner et de synchroniser les efforts institutionnels majeurs qui sont entrepris » pour changer la culture militaire, y compris plusieurs examens externes et internes. Or, le major-général Dawe, qui devait travailler pour elle à ce titre « afin de faciliter les efforts des autres dans leur travail », ne sera plus affecté à cette tâche, a-t-elle confirmé.

Mme Allen s’est aussi excusée pour le manque de transparence qui a entouré la réaffectation de M. Dawe, déplorant que les militaires, des victimes, des survivants et des intervenants n’en aient entendu parler que par les médias.

« Nous sommes à un moment décisif de notre histoire où nous devons rebâtir la confiance au sein de l’organisation et au Canada, et pour ce faire, nous devons soutenir les personnes qui ont été lésées, assurer l’équité des procédures et demeurer transparents dans toute la mesure du possible », a ajouté Mme Allen.

Elle a par ailleurs souligné la possibilité pour les gens d’apprendre de leurs erreurs et de grandir. « La volonté du major-général Dawe, à l’époque et aujourd’hui, de s’engager auprès des intervenants et des personnes touchées, afin de poursuivre sa croissance personnelle et celle de notre institution, est, je crois, un acte de responsabilité et un engagement envers le changement », a-t-elle soutenu.