(Vancouver) Un avocat de Meng Wanzhou a déclaré mardi que cette affaire d’extradition en Cour suprême de la Colombie-Britannique est « sans précédent » dans la mesure où la demande des États-Unis violerait le droit international.

Me Gib van Ert a plaidé en cour que des tribunaux canadiens avaient déjà suspendu par le passé des procédures d’extradition en raison de violations du droit international parce que les gestes posés dans le cadre de cette procédure étaient illégaux.

Mais l’affaire contre la dirigeante de Huawei serait unique parce que c’est la demande même d’extradition qui, selon lui, était déjà, en soi, illégale. Selon la défense, les accusations de fraude portées par les autorités américaines n’ont aucun lien avec les États-Unis.

« Nous ne pensons pas qu’un État requérant n’ait jamais fait une telle demande à ce pays », a déclaré Me Van Ert à la juge en chef adjointe de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, Heather Holmes. « Vous vous trouvez dans une situation inhabituelle et même sans précédent. »

Les autorités américaines soutiennent que Mme Meng a menti à la Banque HSBC, en 2013, au sujet de la relation de Huawei avec une filiale faisant des affaires en Iran, ce qui aurait exposé l’institution financière au risque de violer les sanctions américaines contre Téhéran. Mme Meng et la société Huawei nient ces allégations.

En vertu du droit international, tous les États sont égaux et ont une autorité judiciaire souveraine, a-t-il plaidé, et les pays ne peuvent pas étendre leur droit criminel à d’autres nations sans un lien significatif. Par exemple, si Mme Meng était Américaine, la demande américaine d’extradition serait appropriée, a-t-il soutenu.

« Le tribunal, extension de l’État »

Mme Meng est de nationalité chinoise, HSBC est une banque sino-britannique et la rencontre a eu lieu à Hong Kong. Les paiements entre la filiale et HSBC ont été effectués en dollars américains et compensés par des banques américaines, mais Me Van Ert a déclaré que ce lien était « accessoire » et non substantiel.

La juge Holmes a demandé si l’on pouvait savoir à quel point cette affaire serait vraiment « sans précédent », puisque le gouvernement fédéral est responsable de délivrer une autorisation de poursuivre toute demande d’extradition avant que la cause ne soit entendue par le tribunal.

Le ministère de la Justice a effectivement délivré cette autorisation dans l’affaire Meng en mars 2019.

L’avocat a reconnu que l’on ne sait pas si des demandes d’extradition exagérées avaient déjà été rejetées par le gouvernement. Mais le fait que le gouvernement ait donné le pouvoir de procéder ne signifie pas que la demande est légale, a-t-il soutenu : c’est au tribunal de le déterminer.

L’avocat de Mme Meng soutient que la Cour suprême de la Colombie-Britannique a le pouvoir d’agir sur les violations du droit international même si ces questions ne font pas partie de ses activités habituelles. La Constitution ne contient pas de dispositions traitant du droit international, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, et c’est plutôt la « common law » qui traite de ces principes, a-t-il soutenu.

Me Van Ert a plaidé que la cour est en fait une extension de l’État canadien : si la juge approuve l’extradition de Mme Meng, cela signifiera que le Canada tolère les violations américaines du droit international.

La défense tente actuellement de convaincre le tribunal que Mme Meng a été victime d’abus de procédures dans cette affaire. L’audition sur le fond de la demande d’extradition américaine devrait avoir lieu en mai.

Note aux lecteurs : Version corrigée. Une version précédente indiquait à tort que le ministre de la Justice, David Lametti, avait donné l’autorisation de poursuivre avec le dossier d’extradition. En fait, le ministère de la Justice délivre cette autorisation de procéder.