(Ottawa) Un ancien diplomate canadien en Chine a estimé que la décision du Royaume-Uni, qui a annoncé mardi qu’il accordait à Huawei un accès partiel à son réseau 5G, pourrait simplifier la tâche au gouvernement Trudeau s’il envisageait de faire le même choix.

Or, ce serait une mauvaise décision aux yeux de David Mulroney, puisque pour Ottawa, cela équivaudrait à céder à plus d’un an d’intimidation de la part de Pékin.

Le Royaume-Uni a choisi mardi de limiter l’accès des fournisseurs « à haut risque » à son réseau de nouvelle génération.

« Ce n’est que la dernière, bien que l’une des plus importantes, d’une série de mauvaises décisions et de faux compromis que les gouvernements occidentaux ont faits à l’égard de la Chine », a affirmé M. Mulroney, qui a été ambassadeur du Canada en Chine de 2009 à 2012.

« Le résultat est que la technologie chinoise, avec son influence chinoise potentielle, est toujours plus profondément ancrée dans les structures de gouvernance de l’Occident. »

Les tensions politiques entre Ottawa et Pékin sont liées à l’emprisonnement de deux Canadiens en Chine depuis plus d’un an. Leur détention est survenue peu de temps après que le Canada a arrêté une dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, en vertu d’un mandat d’extradition américain.

Pékin affirme que les deux hommes ont été arrêtés pour des allégations d’espionnage, mais leur détention est largement perçue comme une mesure de représailles après l’arrestation de Mme Meng. Le ministère chinois des Affaires étrangères a annoncé en décembre que les dossiers des deux Canadiens avaient été transférés aux procureurs pour examen et poursuites.

Comme le Royaume-Uni, le Canada a subi des pressions de la part des États-Unis pour interdire à la société chinoise de participer au nouveau réseau 5G parce qu’elle représenterait une menace pour la sécurité nationale américaine — une accusation que rejette la société.

Du cyberespionnage ?

L’administration Trump a déclaré que la loi chinoise sur le renseignement national de 2017 faisait en sorte que le régime communiste pourrait forcer Huawei à mener du cyberespionnage au nom du gouvernement chinois.

Ottawa procède à un examen complet de futur réseau de 5G, auquel participent Sécurité publique Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Centre de la sécurité des télécommunications, Affaires mondiales Canada et Innovation, sciences et développement économique Canada.

Plusieurs ministres du gouvernement Trudeau ont été appelés à réagir à la décision britannique, mardi matin à Ottawa.

Le ministre de l’Industrie, Navdeep Bains, a déclaré que le gouvernement étudiait la décision du Royaume-Uni, mais n’avait pas encore pris la sienne.

Le gouvernement a déclaré que la sécurité des Canadiens était sa principale préoccupation, a rappelé M. Bains, sans dire à quel moment la décision du Canada serait annoncée.

« Ils (le Royaume-Uni) sont un allié ; nous sommes engagés avec eux », a dit M. Bains. « Donc, bien sûr, nous examinons quelles décisions ils ont prises et comment ils prévoient les mettre en œuvre. »

Bien que le Canada tienne compte de la décision du Royaume-Uni, le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, souligne qu’il existe « un certain nombre de considérations très importantes et propres à l’environnement canadien ». Il a refusé de préciser quelles pourraient être ces considérations particulières.

Questionné pour savoir si le sort des deux Canadiens emprisonnés entrerait en ligne de compte dans la décision sur l’implication de Huawei dans le réseau 5G au Canada, M. Blair a déclaré : « Je vais vous dire que je pense qu’il est très important de ramener au pays les deux Michael, mais que ce n’est pas directement lié à cela (la décision sur la 5G). »

M. Mulroney a fait valoir que la décision du Royaume-Uni fournissait « une sortie facile pour ceux au gouvernement qui en recherchent une », car ils peuvent désormais « prétendre que nous pouvons “gérer” le risque chinois » en ce qui a trait à la 5G.

« Ce qui est surréaliste, c’est que nous avons vécu plus d’un an d’intimidation et de coercition de la part de la Chine, tout cela en raison des poursuites judiciaires engagées par le Canada contre une dirigeante de Huawei », a souligné M. Mulroney. « N’avons-nous rien appris ? »

Cong Peiwu, ambassadeur de Chine au Canada, a rejeté l’idée que Huawei puisse compromettre la sécurité des utilisateurs, ce qu’il a qualifié d’« accusation sans fondement ».

À la fin de l’année dernière, il avait dit espérer que le Canada offrirait « un environnement commercial équitable, juste et non discriminatoire aux entreprises chinoises, y compris Huawei ».

Par communiqué mardi, Huawei Canada a salué la décision du Royaume-Uni d’autoriser l’entreprise à accéder partiellement à son réseau 5G et a exhorté le Canada à prendre sa propre décision indépendante, « fondée sur la technologie et la sécurité, et non sur la politique » ou sur les pressions de l’administration Trump.

« Il est important de se rappeler qu’au cours de nos 10 années d’activité au Canada, il n’y a jamais eu d’incident de sécurité ni de défaillance d’aucune sorte », a déclaré par communiqué le vice-président aux affaires générales, Alykhan Velshi. Il a souligné que l’entreprise emploie plus de 1200 Canadiens.