(Montréal) Alors que les femmes sont le plus à risque d’être tuées juste après avoir quitté un partenaire violent, leur sécurité est mise à mal : il manque encore beaucoup de places pour elles dans les maisons d’hébergement de deuxième étape, au Québec comme dans les autres provinces.

L’organisation nationale « Hébergement Femmes Canada » l’a souligné à nouveau cette semaine, en dévoilant les conclusions d’une étude qui a examiné l’aide disponible aux survivantes de violence conjugale, intitulée « Briser le cycle de la violence et pallier le manque de logements ».

Le Québec se distingue toutefois favorablement des autres provinces sur certains aspects, estime Gaëlle Fédida, la coordonnatrice de l’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale.

Ces maisons dites de deuxième étape sont celles qui accueillent les femmes, avec leurs enfants, après leur passage dans le refuge d’urgence. Dans ces derniers, elles y habitent en moyenne un mois, tout de suite après avoir fui leur résidence.

Mais elles ne peuvent être abandonnées après : le danger pour leur vie est encore bien là. Les femmes sont à risque d’être tuées dans les mois qui suivent une séparation, a rappelé lors de la présentation des résultats de l’étude Sandy Watson-Moyles, directrice du refuge Three Oaks, en Ontario.

Et puis, un mois, c’est peu pour se rebâtir et réorganiser toute sa vie.

C’est là qu’entrent en jeu les maisons de deuxième étape, qui leur offrent un milieu de vie transitoire sécurisé et divers services, comme de l’aide psychologique, juridique, de recherche d’emploi et de logement. La durée moyenne des séjours y est de 15 mois.

Lors de la présentation, leurs responsables ont énuméré les difficultés rencontrées, notamment au niveau de leur financement.

Il en ressort que le Québec et l’Alberta sont les deux seules provinces à offrir un financement gouvernemental récurrent.

Ailleurs, bon nombre de ces maisons doivent effectuer des campagnes de financement pour réussir à survivre.

Et puis, leurs employés sont si peu payés qu’ils quittent pour aller travailler ailleurs, surtout au gouvernement. Le roulement de personnel est très élevé : « On les forme, et le gouvernement les prend », a déploré Cindy Chiasson, du refuge Betty’s Haven au Yukon.

Au Québec, le gouvernement provincial a dégagé du financement en 2018 et la situation des maisons de deuxième étape a « radicalement changé », a déclaré en entrevue Mme Fédida, aussi coprésidente de l’organisation Hébergement femmes Canada.

« Les services de deuxième étape ont été reconnus comme nécessaires pour les femmes », dit-elle, soulignant que ces maisons visent la prévention des homicides.

Selon elle, la situation est meilleure au Québec que dans les autres provinces.

Cet argent provincial a permis d’embaucher depuis deux ans quelque 50 employés pour les maisons.

Et Québec leur a promis un salaire de 25 $ de l’heure, alors qu’avant, des intervenantes psychosociales spécialisées pouvaient ne recevoir que le salaire minimum.

Cela a aussi permis d’héberger plus de femmes et de leur offrir des services. Il y a ainsi 30 % de plus de femmes qui ont pu avoir une place, a-t-elle relevé.

Mais là où le bât blesse, c’est au niveau du nombre de maisons existantes. Il en manque toujours, dit Mme Fédida.

À Montréal, le taux de refus des demandes admissibles d’hébergement des femmes est de 75 %. Il est de 37 % en région — en fait, dans celles qui en ont. Car cinq régions du Québec n’ont tout simplement pas de maisons de deuxième étape.

Il y a aussi de grosses difficultés d’accessibilité aux fonds fédéraux pour la construction de nouvelles maisons, déplore Mme Fédida.

Et puis, la paperasse exigée est « un réel parcours du combattant », dit-elle. La quantité de documents à remplir est épouvantable et les administratrices de ces maisons ne sont pas des gestionnaires de parc immobilier : ce sont des organismes communautaires qui fonctionnent avec fort peu de personnel.

Hébergement Femmes Canada souhaite que le nombre de maisons d’hébergement de deuxième étape soit augmenté dans tout le Canada « pour prévenir la violence, les abus et le féminicide », et que celles-ci bénéficient d’un financement récurrent. Le besoin pour ces maisons est particulièrement criant dans les communautés rurales, isolées et nordiques, et dans les communautés autochtones.