(Edmonton) Le gouvernement conservateur de l’Alberta limoge le commissaire aux élections de la province, mais jure que ce n’est pas parce que cet agent de l’Assemblée législative enquête sur le parti au pouvoir — et qu’il l’a déjà condamné à une amende de plus de 200 000 $.

Le ministre des Finances, Travis Toews, a déclaré lundi que la décision de mettre fin prématurément au contrat de Lorne Gibson avait pour seul objectif de réaliser des économies d’échelle. Son poste et celui de ses cinq employés doivent ensuite être transférés au bureau du directeur général des élections (DGE), une fusion qui devrait faire économiser un million de dollars sur cinq ans, soutient le gouvernement.

Le ministre Toews a catégoriquement nié que cette décision pourrait être liée à son enquête sur le Parti conservateur uni de l’Alberta et sa campagne à la direction en 2017.

«Ce changement structurel n’aura aucune incidence sur les enquêtes en cours, a-t-il assuré lundi. Nous pensons qu’il est essentiel de protéger l’intégrité de la démocratie dans cette province.»

Le licenciement de M. Gibson est annoncé dans un projet de loi omnibus, présenté lundi à la Chambre, qui vise à réduire les dépenses et les doubles emplois au sein du gouvernement albertain. Si le projet de loi est adopté, le contrat de M. Gibson — qui devait durer jusqu’en 2023 — sera résilié dès la proclamation de la loi. L’actuel DGE, Glen Resler, serait alors responsable d’embaucher un nouveau commissaire aux élections.

PC

Travis Toews

«Le directeur général des élections pourra tout à fait réembaucher le commissaire actuel» s’il le souhaite, a soutenu M. Toews. Le ministre a aussi soutenu lundi que ce serait au DGE de décider alors s’il y a lieu de poursuivre les enquêtes en cours, dont celle qui touche les conservateurs.

Appliquer la loi

Le DGE est responsable de la gestion générale des scrutins en Alberta, mais au début de 2018, l’ancien gouvernement néo-démocrate avait créé le poste distinct de commissaire aux élections, afin de mener les enquêtes sur des violations à la loi sur le financement des partis politiques et la publicité électorale.

L’enquête la plus médiatisée de M. Gibson concerne la course à la direction du Parti conservateur uni de 2017, remportée par Jason Kenney, qui a été élu cette année premier ministre.

Des documents internes ont révélé que l’équipe de campagne de M. Kenney avait été de mèche avec celle d’un autre candidat, Jeff Callaway, qui s’en était pris au principal rival du futur premier ministre. M. Callaway avait jeté l’éponge en fin de course pour apporter son soutien à M. Kenney. Le chef conservateur a soutenu que de telles discussions entre les équipes de campagne étaient normales.

Le commissaire Gibson a par ailleurs imposé plus de 200 000 $ d’amende pour infractions à la loi sur le financement des partis politiques dans le cadre de la campagne de M. Callaway — concernant l’utilisation de prête-noms.

M. Gibson a une histoire mouvementée avec les gouvernements conservateurs de l’Alberta. Directeur général des élections de 2006 à 2009, son contrat n’a pas été renouvelé par le gouvernement progressiste-conservateur, après qu’il a mis en lumière certaines irrégularités au processus électoral. Le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley l’avait plus tard nommé commissaire aux élections, au printemps de 2018.