(Ottawa) Le président du conseil d’administration de Bombardier, un descendant de la famille Rotman, le président d’une grande compagnie d’électricité — tous ces Canadiens de renom ont donné autant d’argent que permis, ou presque, à la fois aux libéraux et aux conservateurs en 2018.

Selon l’analyse de documents publics d’Élections Canada par La Presse canadienne, ils font partie des 20 Canadiens qui ont donné de façon substantielle aux deux partis l’an dernier. De tels dons sont parfaitement légaux : une personne peut donner à tous les partis politiques si elle le souhaite. Mais ils sont inhabituels.

Les rapports annuels de l’année dernière soumis par les deux partis ont été comparés par noms et par codes postaux afin de trouver des personnes ayant versé au moins 90 % du montant maximal permis, qui était alors de 1575 $. Les noms figurant dans les déclarations des deux partis, mais associés à des codes postaux différents ont été exclus.

La liste qui en résulte inclut plusieurs noms de la haute société du Canada, y compris de nombreux dirigeants d’entreprise, des officiers de l’Ordre du Canada et des personnes ayant des bâtiments à leur nom.

On y retrouve Blake Goldring et Amy Kaiser, le premier est un officier de l’Ordre du Canada et président exécutif d’AGF Management, la deuxième une ancienne présidente de la fondation de l’hôpital SickKids et professeure à l’Université de Toronto.

Il y a aussi David Cornhill, l’ancien président d’AltaGas ; Gordon Rawlinson, propriétaire de la radio Rawlco basée en Saskatchewan (son épouse est aussi sur la liste), et Donald K. Johnson, un investisseur qui est également membre de l’Ordre du Canada.

Ajoutez à ceux-ci Pierre Beaudoin (Bombardier), Kenneth Rotman (Clairvest Group), James Temerty (Northland Power) et plusieurs autres.

De nombreuses personnes sur la liste ont fait leurs dons à chacun des partis le même jour.

La Presse canadienne a tenté de joindre plusieurs de ces donateurs, mais la plupart n’ont pas répondu ou ont refusé de commenter.

L’ancienne présidente du Comité des affaires politiques canadiennes juives, Sherry Firestone, a déclaré que son don aux libéraux était destiné à une activité de financement et que celui versé aux conservateurs représentait le coût pour assister au congrès du parti en 2018 en tant qu’observateur.

Dans un communiqué envoyé par courrier électronique, un porte-parole des libéraux a souligné le « succès croissant » de leur collecte de fonds et a insisté sur la mise en œuvre de règles de transparence entourant les événements de collecte de fonds du parti.

Un porte-parole du parti conservateur a déclaré que si quelqu’un « choisissait de faire un don à plusieurs partis, ils avaient le droit de le faire ». Il a ajouté qu’en raison du nombre de dons reçus par le parti, le nombre de donateurs à deux partis n’était pas particulièrement notable.

Selon Duff Conacher, directeur de Démocratie en surveillance, les personnes qui versent le don maximal individuel permis aux deux partis se « sécurisent » avant les élections de cet automne.

« Grâce à ces dons, ils sont au moins en mesure d’acheter l’accès aux personnalités les plus en vue dans les partis, ce qui leur donne une chance d’influencer leurs décisions », a déclaré M. Conacher.

M. Conacher a également affirmé qu’étant donné que le montant maximal est faible comparativement aux sommes données auparavant par les entreprises, qui ne sont plus autorisées, il était logique pour ceux qui recherchent un accès de maximiser leur contribution aux deux partis.

Après son élection en 2015, le gouvernement libéral s’est engagé à ce qu’« il n’y ait aucun accès préférentiel au gouvernement, ou une apparence d’accès préférentiel, accordé aux individus ou aux organisations en raison de leurs contributions financières à des politiciens et à des partis politiques ».

Mais le parti a rapidement été critiqué pour une série de collectes de fonds auxquelles ont participé des lobbyistes.

Les libéraux ont réagi en publiant des listes de participants lors de collectes de fonds, bien qu’ils aient été accusés de ne pas respecter leurs propres règles aussi récemment que septembre 2018.

Les libéraux ont aussi à l’occasion accusé les conservateurs d’organiser des événements « don contre accès » et de manquer de transparence.

Au début de cette année, de nouvelles règles sont entrées en vigueur, obligeant les parties à divulguer les activités de financement à Élections Canada.