(Vancouver) La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué que la province ne pouvait pas limiter les expéditions de bitume dilué à travers ses frontières, dans une décision qui prend des allures de victoires pour la future expansion du pipeline Trans Mountain et les efforts de l’Alberta pour acheminer ses ressources vers les marchés étrangers.

La Colombie-Britannique avait demandé au tribunal de se prononcer sur la constitutionnalité d’une de ses lois, qui prévoit la mise en place d’un système de permis pour les entreprises qui souhaitent augmenter le flux de pétrole lourd dans la province.

Le comité de cinq juges de la Cour d’appel a conclu unanimement que la loi britanno-colombienne n’était pas constitutionnelle puisqu’elle entrave la juridiction exclusive du gouvernement fédéral sur les pipelines interprovinciaux.

La juge Mary Newbury a écrit, au nom du comité, que le contenu des modifications proposées visait à imposer des conditions et, au besoin, à interdire le transport de pétrole lourd dans le cadre d’une entreprise fédérale.

La juge Newbury a également écrit que la législation n’était pas simplement une loi environnementale d’« application générale », mais qu’elle visait une substance, le pétrole lourd, dans un oléoduc interprovincial : le projet d’expansion de Trans Mountain.

« Dès son entrée en vigueur, il interdirait l’exploitation du prolongement du pipeline Trans Mountain dans la province jusqu’à ce qu’un responsable nommé par la province en décide autrement », a-t-elle affirmé.

« Ce seul élément menace d’usurper le rôle de (l’Office national de l’énergie), qui a rendu de nombreuses décisions et imposé de nombreuses conditions à Trans Mountain pour la protection de l’environnement. »

Le procureur général de la Colombie-Britannique, David Eby, a annoncé vendredi que la province exercerait son droit de porter la décision en appel devant la Cour suprême du Canada.

Il a ajouté que la réglementation et ses propositions visaient à protéger la côte de la Colombie-Britannique contre un déversement catastrophique de bitume dilué.

« Nous croyons que nous avons le droit et le pouvoir constitutionnel, sauf lorsque le Parlement fédéral dit le contraire, de réglementer les substances nocives qui sont importées en Colombie-Britannique, quelle que soit leur provenance. »

La Colombie-Britannique plaidait que la loi visait à protéger ses sols, ses rivières et ses lacs de possibles déversements, mais l’Alberta et le gouvernement fédéral martelaient que l’objectif de la province était de reporter ou bloquer l’expansion de Trans Mountain.

La juge Newbury a écrit que même si la législation ne visait pas à isoler le projet d’expansion, elle risquait d’affecter — et même « d’interrompre brusquement » — l’ensemble des activités de Trans Mountain en tant que transporteur et exportateur de pétrole.

Elle a ajouté que l’Office national de l’énergie (ONE) était l’organisme chargé de réglementer la circulation des ressources énergétiques à travers le Canada vers les marchés d’exportation, et qu’il avait déjà imposé de nombreuses conditions à Trans Mountain.

En outre, l’expansion n’est pas simplement un projet de la Colombie-Britannique, car elle touche l’ensemble du pays, a poursuivi la juge.

Les modifications proposées auraient obligé Trans Mountain, ou toute autre société souhaitant augmenter la quantité de pétrole lourd transportée via la Colombie-Britannique, à demander un « permis relatif à une substance dangereuse ».

La demande de permis aurait dû détailler les risques pour la santé humaine et l’environnement liés à un déversement, les plans d’atténuation de ces risques et les mesures financières, y compris les assurances, garantissant le paiement des coûts de nettoyage.

Un fonctionnaire provincial aurait eu le pouvoir d’imposer des conditions à un permis relatif à une substance dangereuse et de l’annuler ou de le suspendre si l’entreprise ne s’y conformait pas.

La Colombie-Britannique a annoncé les modifications législatives en janvier 2018, déclenchant une guerre commerciale avec la première ministre albertaine de l’époque, Rachel Notley, qui a riposté en interdisant les vins de la Colombie-Britannique dans sa province.

Le premier ministre John Horgan a apaisé les tensions en promettant de demander à la Cour d’appel si les amendements étaient constitutionnels, ce qui a convaincu Mme Notley de suspendre l’interdiction visant les vins en février 2018.

Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a acheté le pipeline Trans Mountain et son projet d’expansion pour 4,5 milliards. La construction a été interrompue en août dernier lorsque la Cour d’appel fédérale a annulé les permis fédéraux.

Le projet permettrait de tripler la capacité du pipeline à transporter du bitume dilué de la région d’Edmonton à celle de Vancouver, et d’augmenter par sept fois le nombre de navires-citernes dans la baie Burrard.