(Ottawa) Le nombre de suicides chez les militaires pendant et après la guerre de dix ans en Afghanistan pourrait être en déclin, mais les membres de l’Armée de terre sont toujours plus à risque que ceux des autres corps.

Le rapport de la Direction de la protection de la santé des Forces canadiennes, publié mardi, s’ajoute à une longue liste d’études sur les suicides chez les militaires et les anciens combattants ; or, plusieurs de ces études avaient établi un lien entre ces tragédies et les déploiements à l’étranger.

Pourtant, le nouveau rapport suggère le contraire : les chercheurs ont constaté que de 2015 à 2017, les militaires ayant servi en Afghanistan et ailleurs semblaient même moins susceptibles de se suicider que ceux qui n’avaient pas été déployés à l’étranger.

« Ceci va à l’encontre de la tendance sur dix ans (2005 à 2014) qui semble indiquer que les militaires ayant fait l’objet d’un déploiement présentent un risque accru comparativement à ceux qui n’ont jamais fait l’objet d’un déploiement », lit-on dans le rapport signé par le médecin général des armées, le brigadier-général Andrew Downes. « Les antécédents de déploiement comme un éventuel facteur de risque de suicide paraissent être en déclin, bien que les données à l’appui de cette observation ne sont pas significatives. »

Par ailleurs, les chercheurs préviennent encore une fois que les militaires travaillant à plein temps au sein de l’Armée de terre « présentent un risque significativement plus élevé de suicide par rapport aux hommes de la Force régulière relevant d’un autre commandement ».

Cette constatation n’est pas nouvelle depuis la vague de suicides commis par des militaires en 2013, qui a poussé l’armée à se pencher sur les causes du phénomène et les possibilités de prévention.

Plus de 155 membres du service actif se sont enlevé la vie depuis 2010 ; ce bilan meurtrier équivaut presque à celui des 158 militaires qui sont morts en Afghanistan de 2001 à 2014.

Le rapport le plus récent a été rédigé en novembre 2018 mais n’a été publié que mardi, et n’inclut aucune analyse des circonstances entourant les 15 membres du service qui se sont suicidés l’année dernière.

En outre, il ne concerne que les hommes à plein temps en uniforme, en raison du nombre relativement faible de suicides parmi les femmes militaires et les réservistes. Et ces données ne tiennent pas compte des anciens combattants qui se sont suicidés.

Plus que dans le civil

Pendant des années, les Forces canadiennes ont résisté à la suggestion selon laquelle les militaires risquaient davantage de se suicider que les civils ; une étude déterminante, réalisée par Anciens Combattants Canada l’année dernière, a toutefois documenté le phénomène.

Les résultats de cette étude, fondés sur un examen exhaustif des dossiers de 1976 à 2012, ont démontré que le risque de suicide chez les anciens combattants de tous âges était 36 % plus élevé que chez les hommes qui n’avaient jamais servi dans l’armée canadienne.

Élément encore plus inquiétant : le risque était nettement plus élevé chez les hommes plus jeunes. Le risque de suicide chez les moins de 25 ans était 242 % plus élevé que chez les jeunes du même âge qui n’avaient jamais été dans l’armée.

Le risque chez les femmes vétéranes était également alarmant : 81 % de plus que chez les femmes qui n’avaient jamais été militaires. L’âge n’a pas été jugé un facteur aussi important pour les vétéranes.

À la fin de 2017, le ministère de la Défense nationale et celui des Anciens Combattants ont dévoilé une nouvelle stratégie de prévention du suicide, comprenant des services et du soutien pour les militaires et les anciens combattants. Le rapport de mardi ne cherche pas à déterminer si ces efforts ont porté leurs fruits, mais il examine certaines des circonstances entourant les 13 militaires à temps plein qui se sont suicidés en 2017.

On a constaté que ces 13 militaires avaient signalé au moins un problème au travail ou à la maison : sept éprouvaient des difficultés conjugales, neuf avaient vécu le deuil d’un proche et huit présentaient des difficultés au travail. Près du tiers ont également déclaré avoir des problèmes de toxicomanie ou de dépendance, tandis que cinq avaient déjà pensé ou tenté de se suicider. On ne sait pas quel soutien ils ont pu obtenir — ou pas.

Ligne québécoise en prévention du suicide: 1-866-277-3553.