Alors que le nombre d'immatriculations au nouveau registre des armes à feu continue de progresser à pas de tortue - malgré un blitz publicitaire démarré à la radio il y a plus de deux semaines -, des propriétaires d'armes déplorent des ratés avec le système mis en place par Québec.

En date de mercredi, le Service d'immatriculation des armes à feu (SIAF), qui doit remplacer le défunt registre fédéral, comptait seulement 274 000 armes longues enregistrées. C'est 19 000 de plus que deux semaines auparavant. Mais c'est loin du compte, considérant qu'il y a entre 1,5 et 2 millions d'armes à feu en circulation dans la Belle Province, selon différentes évaluations.

Les propriétaires d'armes à feu s'exposent à des amendes de 500 $ à 5000 $ s'ils n'enregistrent pas leurs armes d'ici au 29 janvier 2019, comme le prévoit la loi.

L'inscription, qui est boycottée par plusieurs propriétaires d'armes, se fait en ligne ou au téléphone, totalement gratuitement.

Une quinzaine de lecteurs ont communiqué avec La Presse ces derniers jours pour rapporter des difficultés techniques lors de l'enregistrement de leur arme. « J'ai passé deux journées à essayer de leur parler au téléphone. Heureusement que je suis en préretraite, parce qu'autrement, je n'aurais pas eu la patience d'attendre autant », déplore Claude Duceppe, frère de l'ex-politicien Gilles Duceppe, qui possède plusieurs armes pour la chasse.

Dans son cas, une différence entre son nom usuel et celui inscrit sur son permis de possession et d'acquisition (PPA) d'armes à feu a empêché l'enregistrement en ligne. Il a donc dû régler le problème au téléphone, ce qui lui a pris plusieurs heures de démarchage, soutient-il.

« Il y a des gens qui boycottent le nouveau registre, mais je n'en fais pas partie », assure M. Duceppe.

« J'ai toujours défendu l'idée qu'il faut un registre et que posséder une arme est un privilège au Canada. Mais force est d'admettre qu'il y a des problèmes systémiques avec le registre que Québec essaie de mettre en place. S'ils manquent de personnel, qu'ils embauchent plus de gens, bon Dieu ! » - Claude Duceppe

Un autre propriétaire d'arme nous a transmis une chaîne de courriels démontrant son incapacité à enregistrer en ligne une carabine de calibre .22 très commune. « J'ai fait deux erreurs : j'ai inscrit une mauvaise longueur de canon et j'ai écrit que le mécanisme était à levier avec un L majuscule. Alors mon dossier a été placé dans une pile qu'un agent devra traiter manuellement. À ce jour, ils n'ont toujours pas eu le temps de faire l'enregistrement parce qu'ils sont débordés. Ça montre le ridicule de la chose », estime ce propriétaire d'arme, qui a demandé qu'on taise son nom pour des raisons de sécurité.

« La vaste majorité se fait sans problème »

En entrevue avec La Presse, le directeur de la prévention et de la lutte contre la criminalité au ministère de la Sécurité publique, Clément Robitaille, responsable du registre, assure néanmoins que « la vaste majorité des inscriptions se fait sans problème ». Le SIAF enregistre en moyenne 1500 nouvelles armes par jour, dont 500 au téléphone.

« Nous aurions préféré qu'il y ait plus d'armes enregistrées à ce moment-ci, mais nous ne sommes pas surpris ; les gens ont tendance à attendre à la dernière minute pour faire une corvée. » - Clément Robitaille

Le SIAF est visé depuis plus d'un an par une campagne de boycottage organisée par le groupe de pression Tous contre un régime québécois des armes à feu. « Ce registre est un système de surveillance policière de gens qui n'ont rien fait de mal », affirme l'avocat québécois de la National Firearms Association, Me Guy Lavergne, selon qui le site internet mis en place par Québec « n'a pas la bande passante nécessaire pour faire face à la demande ».

Le ministère de la Sécurité publique minimise cependant l'impact de ces groupes de pression sur la volonté des propriétaires d'enregistrer leurs armes. « La bonne foi se présume, la très grande majorité des propriétaires d'armes sont respectueux des lois. Nous ne sommes pas capables de présumer de leur mauvaise foi », dit M. Robitaille.

Refusant de s'avancer sur les chances du programme d'enregistrer une majorité d'armes d'ici à la date limite du 29 janvier, M. Robitaille assure avoir mis en place toutes les mesures nécessaires pour y arriver. « Notre site est assez robuste pour accéder à plusieurs demandes en simultané. Mais c'est évident qu'on préfère que les gens ne s'y prennent pas à la dernière minute. On ne pourra pas traiter tout le monde en même temps la dernière journée », reconnaît-il.