Le Canada pourrait connaître un mini-boom dans le secteur touristique qui pourrait profiter aux régions autant urbaines que rurales si les gouvernements et les principaux acteurs de ce secteur jouent leurs cartes de manière stratégique pour en maximiser le potentiel.

Déjà l'un des plus grands moteurs économiques du pays - le tourisme génère des recettes totales de 98 milliards de dollars par année et représente plus de 2 % du produit intérieur brut canadien -, cette industrie pourrait créer pas moins de 180 000 nouveaux emplois d'ici 2030, selon un rapport qui sera dévoilé aujourd'hui par la ministre du Tourisme et des Langues officielles, Mélanie Joly, devant l'Economic Club de Toronto.

Mais pour arriver à créer ces nouveaux emplois, les divers ordres de gouvernement doivent travailler de concert avec les entreprises de toutes les tailles oeuvrant dans le domaine touristique afin de déterminer les moyens pour attirer encore plus de visiteurs au moment où le tourisme mondial est en plein essor, soutient-on dans le rapport intitulé « Exploiter le potentiel de l'économie touristique canadienne ».

Une nouvelle stratégie nationale

La Presse a obtenu à l'avance ce rapport, qui doit servir de fer de lance à la nouvelle stratégie nationale en matière de tourisme qu'est en train de mettre en chantier la ministre Joly, avec le soutien d'un comité-conseil sur l'emploi et l'économie du tourisme, présidé par l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick Frank McKenna, qui a aussi été ambassadeur du Canada à Washington.

Dans ce rapport, publié par Destination Canada, une société d'État qui fait la promotion de la marque touristique du Canada à l'échelle internationale, on constate que le tourisme canadien a certes connu une croissance, mais qu'elle était inférieure à celle du secteur mondial durant trois des quatre dernières années. En 2017, le secteur des voyages et du tourisme à l'échelle mondiale a affiché un taux de croissance de 4,6 % - soit bien au-dessus du taux de croissance enregistré au Canada d'environ 2 %.

Résultat : le Canada ne reçoit pas encore la part qui lui revient de la croissance mondiale du tourisme, selon le rapport, qui estime que le pays devrait être en mesure de doubler, et même plus, le nombre d'arrivées internationales et les recettes qu'elles engendrent.

« Le Canada peut se permettre de viser beaucoup plus haut, mais le potentiel du secteur ne se réalisera pas du jour au lendemain. Et il faudra plus que des actions isolées des secteurs public et privé. » - Extrait du rapport « Exploiter le potentiel de l'économie touristique canadienne »

« En effet, les défis sont considérables, de la concentration de la demande aux limites du transport en passant par la pénurie de main-d'oeuvre et le manque d'occasions d'investissement attrayantes. Pour les surmonter, il faudra revoir notre approche pour mieux coordonner les actions des différents ordres de gouvernement et des exploitants d'entreprises touristiques de toutes tailles », peut-on lire dans le rapport d'une vingtaine de pages.

Fait intéressant, au Canada, on a décelé une corrélation positive marquée et directe entre les arrivées internationales et les exportations canadiennes l'année suivante. « Lorsque les arrivées au Canada progressent de 1 %, les exportations canadiennes augmentent de 817 millions de dollars au cours des deux années suivantes, et la gamme de produits et de services exportés s'élargit. »

Des freins à la croissance

Mais il existe quelques freins au potentiel économique du secteur touristique canadien. D'abord, la concentration de la demande dans trois provinces et leurs grands centres urbains (le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique accueillent 85 % des visiteurs). Les vols à destination du Canada sont difficiles et coûteux, de même que le transport une fois rendu au pays. La pénurie de main-d'oeuvre se fait déjà sentir dans le secteur du tourisme au pays - on prévoit d'ailleurs que, dans l'ensemble du pays, le secteur pourrait connaître une pénurie de 120 000 travailleurs d'ici au milieu des années 2020.

Enfin, un autre frein à la croissance est le manque d'investissements, « qui empêche le pays d'avoir une masse critique d'attractions, d'hébergements et d'autres catalyseurs du secteur ».

Pour maximiser le potentiel de croissance, le rapport estime qu'il faudrait agir sur trois fronts. D'abord, rehausser les grands centres urbains actuels en augmentant la capacité. Il faudrait ajouter au moins 25 000 chambres dans ces grands centres et élargir l'offre de transport aérien, en ajoutant notamment des vols vers les aéroports principaux et secondaires.

Ensuite, il faut ajouter des attractions liées à la nature qui seraient accessibles près des grandes villes étant donné que « la nature et la faune sauvage du Canada sont des éléments importants de sa marque touristique ».

Enfin, il faut mettre davantage en valeur les expériences culturelles uniques dans les petits centres urbains du Canada, comme Halifax, Québec, Victoria, Winnipeg et Ottawa.

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Des constats importants dressés par le rapport

En cinq ans, les arrivées internationales ont augmenté de 25 %, passant de 16 millions de visiteurs par année en 2011 à près de 20 millions en 2016 ;

Les sources du tourisme au Canada se sont aussi diversifiées. En 2002, 81 % des touristes étrangers venaient des États-Unis. Ce pourcentage est passé à 69 % en 2017, tandis que les voyageurs européens et asiatiques représentent maintenant 25 % des arrivées pour une nuit ou plus au Canada ;

L'image de marque et la réputation du Canada en font une destination de choix, selon plusieurs magazines réputés comme le National Geographic Traveler et le quotidien The New  York Times.

2 %: Taux de croissance du secteur des voyages et du tourisme au Canada en 2017

4,6 %: Taux de croissance du secteur des voyages et du tourisme à l'échelle mondiale en 2017