Les quatre dernières années ont marqué un net resserrement dans le contrôle des dépenses de l'ensemble des villes québécoises, révèle une nouvelle étude du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal. Son bilan des administrations municipales démontre que la croissance des dépenses depuis 2013 a été près de trois fois moins élevée que dans le mandat précédent.

RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE

« Il y a eu un changement assez drastique dans les dépenses dans la plupart des municipalités par rapport au mandat précédent », constate Robert Gagné, directeur du Centre. Entre 2010 et 2013, les dépenses des municipalités par habitant avaient augmenté en moyenne de 5,1 % par an. Dans le dernier mandat, cette croissance a été de 1,8 %. Malgré son ralentissement, Robert Gagné note que l'augmentation demeure supérieure à l'inflation (0,9 %). « Les villes sont encore au double de l'inflation, alors il y a encore un peu de marge de manoeuvre pour s'améliorer », dit le chercheur. Celui-ci note d'ailleurs que, depuis 2013, le gouvernement du Québec a serré davantage encore la vis que les villes : sa croissance des dépenses n'a été que de 0,4 % en moyenne.

Croissance annuelle des dépenses par habitant de l'ensemble des municipalités

• Entre 2010 et 2013: 5,1 %

• Depuis 2014: 1,8 %

BAISSE MARQUÉE À MONTRÉAL ET À QUÉBEC

Le coup de frein dans la croissance des dépenses a été particulièrement marqué à Montréal. La métropole a vu ses dépenses augmenter de 1,5 % en moyenne par an, cinq fois moins rapidement que dans le mandat précédent. Une analyse détaillée des finances de la principale ville de la province démontre que c'est en s'attaquant au poids des avantages sociaux que l'administration a réussi à faire des gains. Montréal a imposé un plan de réduction de la main-d'oeuvre en plus de renégocier le partage du coût des régimes de retraite avec l'ensemble de ses employés.

Déjà sous la moyenne, la Ville de Québec a réussi non seulement à freiner la croissance des dépenses par habitant, mais en plus à afficher une légère diminution.

Croissance annuelle des dépenses par habitant

Montréal / Québec

• Entre 2010 et 2013: 7,1 % / 3,6 %

• Depuis 2014: 1,5 % / - 0,3 %

« MEILLEUR CONTRÔLE »

Plusieurs éléments expliquent ce coup de frein aux dépenses des municipalités. Robert Gagné estime que la commission Robillard - à laquelle il siégeait - a pu jouer pour beaucoup. Son rapport recommandait de réduire de 1,3 milliard par an les transferts aux villes. Le chercheur souligne également que les administrations municipales ont bénéficié d'un environnement plus stable depuis 2013, le gouvernement ne leur ayant pas transféré de responsabilités majeures. Si la période coïncide également avec la fin de la commission Charbonneau, Robert Gagné n'est toutefois pas convaincu que celle-ci a eu un impact direct sur les dépenses des villes, puisque l'enquête publique touchait les contrats et non les dépenses courantes. « Mais ça pourrait avoir contribué indirectement à sensibiliser les élus à faire les choses rigoureusement et avoir un meilleur contrôle », évalue-t-il.

MOINS DE TRANSFERTS, PLUS DE TAXES

Alors que les municipalités ne cessent d'évoquer une diversification de leurs revenus, le bilan des administrations municipales démontre que les taxes représentent une part grandissante de leur budget. La baisse des transferts gouvernementaux a en effet forcé les villes à compter davantage sur les propriétaires.

Répartitions des revenus des municipalités

Années / Taxes / Transferts gouvernementaux / Autres revenus

2010 / 58 % / 33 % / 9 %

2011 / 55 % / 36 % / 9 %

2012 / 58 % / 34 % / 8 %

2013 / 61 % / 30 % / 9 %

2014 / 64 % / 26 % / 9 %

2015 / 66 % / 25 % / 9 %

2016 / 65 % / 25 % / 9 %

FORTE CROISSANCE DES DÉPENSES DANS LES PETITES MUNICIPALITÉS

+ 4,6 %

L'étude du Centre sur la productivité et la prospérité démontre toutefois que les plus petites municipalités de la province, soit celles comptant moins de 1000 habitants, ont continué à afficher une forte croissance de leurs dépenses. « Les petites villes ont moins de postes de dépenses sur lesquels agir. Quand tu as un employé et quart et pas de réseau de distribution d'eau, qu'est-ce qui te reste ? », dit Robert Gagné. Le chercheur note que les petites administrations ont néanmoins réussi à réduire de moitié la croissance de leurs dépenses depuis 2013, alors que celle-ci était de 10,5 % de 2009 à 2013.

MÉTHODOLOGIE

Pour établir ce bilan, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal a compilé les données tirées des rapports financiers transmis chaque année au ministère des Affaires municipales (en date du 24 septembre 2017). Le gouvernement a aboli l'obligation qu'avaient les villes de transmettre plusieurs informations, mais certaines données demeurent tout de même encore disponibles. Robert Gagné estime que ce type d'exercice de comparaison est important pour permettre aux citoyens d'y voir clair dans la gestion des deniers publics. « On veut fournir à la population, sans biais, des informations rigoureuses et fiables sur leur gouvernement. Il y a des élections [le 5 novembre] et, en principe, des millions de personnes vont aller voter. Ces électeurs ont le droit de savoir ce qui se passe dans leur municipalité », dit le chercheur.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, Archives LA PRESSE

Montréal a vu ses dépenses augmenter de 1,5 % en moyenne par an depuis 2013, cinq fois moins rapidement que pendant le mandat précédent.