L'ancienne caporale des Forces armées canadiennes Stéphanie Raymond et son avocat demandent que soit rendu public le rapport d'une commission d'enquête sur le traitement qu'elle a subi après avoir déposé une plainte d'agression sexuelle contre l'un de ses supérieurs.

La réaction du chef d'état-major de la Défense, le général Jonathan Vance, aux conclusions de cette commission d'enquête a eu l'effet d'une douche froide sur Stéphanie Raymond.

«Il ne reconnaît pas les conclusions, mais accepte les recommandations de la commission d'enquête, a-t-elle raconté en entrevue. Déjà là, il y a un non-sens.»

Mme Raymond et son avocat, Michel Drapeau, ont reçu deux documents confidentiels mardi: le rapport de la commission d'enquête qui confirmerait le lien entre sa plainte et le fait qu'elle n'ait pu obtenir une promotion, ainsi qu'une lettre du chef d'état-major qui refuserait de reconnaître ces représailles.

«À ce moment-là, il n'y a pas de poursuite disciplinaire, administrative ou légale qui pourrait être prise contre personne», a expliqué Michel Drapeau.

«S'il ne veut pas agir dans mon cas, pourquoi agirait-il dans un autre ?», a demandé Stéphanie Raymond.

Les Forces armées canadiennes refusent de divulguer le rapport de la commission d'enquête pour protéger les informations personnelles qu'il contient.

Elles ont fait parvenir à La Presse canadienne une copie caviardée du document de 78 pages dans laquelle il ne reste que dix pages, incluant la table des matières.

Stéphanie Raymond et Michel Drapeau estiment que la diffusion des conclusions de la commission d'enquête démontrerait l'engagement des Forces armées canadiennes à faire en sorte que ce genre de cas ne se reproduise plus.

«Par souci de transparence et vraiment d'avoir ça comme un point d'honneur de dire que ce qui est là-dedans, ça indique les changements qu'on doit faire et qu'on va faire», a expliqué l'avocat Michel Drapeau.

Des recommandations gardées secrètes

Dans un communiqué, le chef d'état-major de la Défense écrit vouloir donner suite «dans les plus brefs délais» aux recommandations de la commission d'enquête, sans en fournir la liste.

Il fait état des problèmes soulevés par le rapport, soit l'incapacité des Forces armées canadiennes à saisir «les profondes répercussions de l'incident du 15 décembre 2011» sur Stéphanie Raymond et le manque de leadership dans le traitement de sa plainte.

«Bon nombre de recommandations formulées dans le rapport ont déjà été mises en Å"uvre dans le cadre de l'opération HONOUR, à savoir notre engagement visant à mettre fin aux comportements sexuels dommageables et inappropriés dans les Forces armées canadiennes», a-t-il écrit, en précisant vouloir changer la culture des forces.

Il condamne ce type de comportements et remercie Stéphanie Raymond «d'avoir fait preuve de courage et de ténacité au moment de mettre en lumière une série d'erreurs commises par sa chaîne de commandement qui étaient révélatrices de problèmes systémiques d'envergure.»

Un plan d'action qui accompagne le communiqué fait état de quatre champs d'action : le suivi des plaintes de harcèlement, l'administration du personnel, le leadership et la formation.

Le cas de Stéphanie Raymond est perçu comme l'un des catalyseurs qui ont mené au lancement de l'opération Honour en juillet 2016.

En 2012, Stéphanie Raymond avait accusé son supérieur hiérarchique, l'adjudant André Gagnon, de l'avoir agressée sexuellement. L'homme avait été acquitté deux ans plus tard à la suite d'un procès fortement médiatisé en cour martiale.

Entre-temps, Mme Raymond avait été congédiée.

La commission d'enquête avait été ordonnée par le précédent chef d'état-major de la défense, le général Tom Lawson, pour tenter de comprendre comment Mme Raymond avait été traitée par l'armée, à partir du moment où elle a déposé sa plainte, jusqu'à son congédiement, en 2013.

Le général Lawson lui avait accordé une réparation et l'avait promue rétroactivement au rang de caporal-chef.

Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, ne semble pas avoir l'intention de demander au général Vance de rendre public le rapport de la commission d'enquête.

«Les actions entreprises par les Forces armées canadiennes ne sont pas que des mots et des gestes, a-t-il affirmé mardi après-midi. Ce sont des actions immédiates qui impliquent toute la chaîne de commandement pour enrayer ce problème.»

Les Forces armées canadiennes ont mis sur pied en 2015 un Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle pour venir en aide aux victimes.

PC

Jonathan Vance