La police militaire mène une enquête sur une possible brèche de sécurité survenue au principal centre de renseignement de la Marine royale canadienne sur la côte est.

Plus d'un millier de documents secrets ont été téléchargés, mais selon le vice-amiral John Newton, commandant des forces navales de l'Atlantique, il s'agit davantage d'une «fuite de données» résultant de l'imprudence que d'un cas d'espionnage proprement dit.

«Nous ne croyons pas qu'il y ait eu une menace à ce matériel téléchargé vers un réseau non protégé», a indiqué M. Newton, mardi. «Nous avons examiné (...) le travail de la personne impliquée et il s'agit d'une imprudence dans la manipulation de données, sans malice.»

Selon des documents judiciaires, les enquêteurs militaires allèguent qu'entre 2004 et 2009, un concepteur web à l'emploi du centre Trinity, de la base de Halifax, a utilisé des réseaux du ministère de la Défense nationale pour stocker de façon inappropriée des documents secrets.

Dans le mandat de perquisition déposé en Cour provinciale de Nouvelle-Écosse, on lit que les gestes posés par l'employé - simplement appelé «M. Zawidski» - contreviennent à la Loi fédérale sur la protection de l'information, au chapitre de la «communication de renseignements».

Aucune des allégations n'a été prouvée en cour et le vice-amiral Newton a indiqué qu'à sa connaissance, aucune accusation n'avait été formellement portée contre l'employé. Le mandat de perquisition précise toutefois que les comptes réseaux de «M. Zawidski» ont été gelés et que l'accès dans l'édifice de l'Arsenal canadien de sa majesté à Halifax lui est maintenant interdit.

Un porte-parole militaire, le major Martell Thompson, a refusé de donner plus de détails sur ce «M. Zawidski» mais il a confirmé que cet homme avait été transféré dans un service qui n'a pas accès à des informations secrètes.

Des documents de 2004 à 2009

Le mandat de perquisition, délivré le 15 septembre 2015, précise que la police militaire a saisi du bureau de «M. Zawidski» quatre disques durs, un ordinateur portable, des disques compacts et des disques souples, à la suite d'une plainte portée pour une possible brèche de sécurité informatique. Le lecteur réseau du suspect contenait 1086 documents secrets et 11 documents confidentiels datés de 2004 à 2009, lit-on dans le mandat.

Mais des documents estampillés du sceau «secret» ou «confidentiel» ne contiennent pas nécessairement des renseignements de nature délicate, indique le professeur Christian Leuprecht, du Collège militaire royal du Canada, à Kingston, en Ontario.

«Je soutiens depuis longtemps que nous classons un peu trop de documents comme étant «secrets» ou «confidentiels'», estime cet expert en menaces à la sécurité, qui enseigne aussi à l'Université Queen's, de Toronto. Pour éviter tout risque, les militaires ratisseraient ainsi très large, et certains utilisateurs qui voudraient accélérer un peu les procédures pourraient être soupçonnés d'espionnage, explique le professeur Leuprecht.

En février 2013, l'enseigne de vaisseau de 1ère classe Jeffrey Paul Delisle - un officier du renseignement canadien - avait été condamné à 20 ans de prison pour avoir copié des documents secrets contenus dans son ordinateur du centre Trinity et les avoir vendus à la Russie, entre 2007 et 2012. Il a touché environ 3000 $ par mois pour des disques souples et des clés USB contenant des renseignements secrets.

Le centre Trinity, qui fait partie de la base militaire de Stadacona, à Halifax, est depuis des années le quartier général des services de renseignement de la Marine, qui recueille des informations de diverses agences militaires et civiles. Il abrite le Centre de surveillance sous-marine intégrée des Forces canadiennes, qui a été très actif pendant la guerre froide.