Brahim Khawaja a surmonté des épreuves impensables pour se rendre au Québec. Parti de sa Syrie natale dévastée, il est allé au Liban. De là, comme tant de migrants, il a fait une folle traversée en bateau jusqu'en Grèce. Il y a quatre jours, il a débarqué à Montréal, accueilli par sa tante. Samedi soir, les grandes retrouvailles : il a enfin pu revoir sa mère Clara. Comme 160 autres Syriens, elle se trouvait à bord du premier vol nolisé par le gouvernement qui a atterri à Montréal vers 20 h 15.

La tante de Brahim, Madeleine Khawaja, n'avait pas vu sa soeur depuis 15 ans. Elle tentait depuis des mois de la parrainer afin qu'elles soient enfin réunies. «Elle était seule là-bas», déplore-t-elle. Seule au monde dans un pays inconnu, le Liban, et séparée de tous ses proches depuis des années. Mais l'heure sera maintenant à la fête dans la famille Khawaja. «Elle sera avec moi pour Noël», se réjouit-elle.

Aux côtés des familles des réfugiés, on retrouvait également de nombreux politiciens dont le premier ministre Philippe Couillard, le ministre des Affaires municipales et ministre de la Sécurité publique suppléant, Pierre Moreau, la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, et le maire de Montréal, Denis Coderre.

«Je l'ai dit tantôt aux bénévoles, ça me rend excessivement fier qu'on soit capable comme peuple de retourner une situation horrible comme celle que ces gens fuient, et leur montrer le visage de la liberté, le visage de l'accueil, le véritable visage de la fraternité», a dit M. Couillard aux journalistes.

Des familles réunies

Gracia Melky n'avait pas vu son frère Jimmy depuis neuf ans. Ils avaient été séparés par la vie, puis par la guerre. Elle a enfin fait connaissance avec une toute nouvelle famille samedi : la femme de son frère et leurs deux enfants, dont le plus jeune, un miracle né dans l'horreur de la guerre. «C'est le meilleur cadeau pour Noël», lance Gracia Melky, les yeux pétillants, tout juste avant de revoir son frère.

«On va célébrer !», s'exclame Neven Issak. La Syrienne de 23 ans trépignait d'impatience samedi soir en attendant de revoir son cousin Ghattas. La jeune femme sait très bien quel choc il vivra : elle-même est arrivée du Liban il y a seulement 10 mois. Mais auparavant, c'est la guerre, aux portes de Damas, qu'elle fuyait. «On va fêter dans la maison de notre famille. Mais on a d'autres parents là-bas. Son frère va venir plus tard dans un autre avion», explique-t-elle, sourire aux lèvres, dans un excellent français appris en un clin d'oeil.

Des familles enfin réunies, il y en avait des dizaines samedi soir, aux abords de l'aéroport de Montréal. Après des mois, des années, voire des décennies, ils ont finalement pu embrasser leur bien-aimée, serrer leur fils dans leurs bras ou serrer la main de leur cousin. Parmi les 161 réfugiés arrivés samedi soir, seule une personne prenait directement la route vers les provinces maritimes. Les 160 autres Syriens étaient parrainés par des membres de leur famille ou des organismes à but non lucratif.

Alexis Saoud est arrivé à Montréal il y a seulement trois jours avec sa femme et leur fille de 7 ans. Avec son cousin Bassel Kano, il était venu chercher son frère qui arrivait du Liban avec sa femme et leurs trois filles. Bassel Kano était enfant la dernière fois qu'il a vu son cousin, originaire d'Alep. C'était il y a 30 ans.

Toute cette fratrie vivra sous un même toit pour les prochains mois, loin de la guerre et loin de la solitude. «Quand ils ont quitté la Syrie, l'un a pris la route de l'Égypte et l'autre a pris la route du Liban. C'était il y a trois ans», raconte Bassel Kano. Là-bas, les deux frères avaient tout laissé : leurs vêtements, leurs souvenirs, leur maison. Toute leur existence. Mais cette page est tournée, puisque c'est ici, à Montréal, qu'ils rebâtiront leur vie, brique par brique.

- Avec La Presse Canadienne