Une semaine et demie après la fin du conflit à Postes Canada, le centre de tri Léo-Blanchette, à Montréal, est toujours plein de courrier. Des lettres qui datent du début du mois de juin s'y trouvent encore. Non autorisés à faire des heures supplémentaires, les facteurs ne parviennent pas à faire toutes leurs livraisons. Le syndicat accuse Postes Canada de ralentir la livraison du courrier et même de privilégier l'envoi de circulaires publicitaires, ce que nie la société d'État.

«La reprise du service est complètement désorganisée, dénonce le porte-parole de la section montréalaise du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Jacques Valiquette. Ça crée de la frustration parmi nos membres et chez les clients. Les gens commencent à tirer sur le messager.» Le STTP accuse la société d'État de retarder délibérément la livraison du courrier par mesure de représailles envers ses membres. Selon Jacques Valiquette, la livraison de circulaires publicitaires parfois périmées a même été privilégiée à certains endroits.

La porte-parole de Postes Canada, Anick Losier, réfute les allégations du STTP. «Il n'y a pas eu de directive pour prioriser les circulaires, affirme-t-elle. La priorité est donnée à la poste-lettres.»

Dans une seconde lettre envoyée hier à la ministre du Travail, Lisa Raitt, le STTP accuse Postes Canada de contrevenir à la loi adoptée le 25 juin dernier, qui oblige «l'employeur à reprendre sans délai ou de continuer, selon le cas, la prestation des services postaux». Selon le syndicat, la société d'État devrait permettre aux facteurs de faire des heures supplémentaires. «Il y a actuellement un flot de courrier terrible, dit Jacques Valiquette. Les gens qui trient le courrier sont autorisés à faire des heures supplémentaires, mais il y a des bouchons à la livraison.»

Anick Losier soutient que l'interdiction des heures supplémentaires est motivée par un souci d'économie. «Nous venons de perdre près de 200 millions de dollars avec le conflit, note-t-elle. Le défi est de trouver l'équilibre entre la reprise efficace du service et la limitation des coûts.»

L'amoncellement de lettres et de colis était tel, hier, que les entreprises spécialisées en préparation postale n'ont pas été autorisées à livrer du courrier au centre Léo-Blanchette, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal. Depuis le début du conflit, l'accès au centre de tri montréalais est difficile pour ces entreprises. «On nous oblige à prendre rendez-vous, mais si le rendez-vous est après 10h, on nous bloque l'accès, sans avertir, en disant que les entrepôts sont pleins et que rien ne peut plus entrer, dit Thierry St-Onge, directeur aux ventes de Traitement Postal Express. Nos camions sont obligés revenir au bureau avec tous ces articles.» Il ajoute qu'il y a des centaines de milliers de lettres en attente de livraison à son entreprise. Parmi celles-ci, plusieurs sont destinées à des élèves du cégep qui attendent une décision sur leur admission à un programme. «C'est la première fois que je vois ça, dit M. St-Onge, dont la firme existe depuis une dizaine d'années. Nos clients sont craintifs. Ça occasionne beaucoup de pertes pour notre entreprise.»

Le coordonnateur du centre de tri Léo-Blanchette, Alain Simard, assure que le centre montréalais fonctionne à plein régime, 24 heures sur 24. Il prévoit que, puisqu'il n'y aura pas d'entrée de nouveau courrier au cours du week-end, le volume à traiter baissera.

Près de 40 millions d'articles dorment toujours dans les centres de tri postaux au Canada, et de nouvelles lettres et colis y arrivent chaque jour. Environ 27 millions d'articles sont livrés quotidiennement, soit 9 millions de plus qu'en situation normale. Postes Canada prévoit que tout le courrier expédié avant le 27 juin sera livré d'ici à la fin de la semaine prochaine. Comme la situation n'est toujours pas revenue à la normale, Postes Canada demeure non responsable des retards de livraison engendrés par des circonstances de force majeure.