Six mois après l'entrée en vigueur d'une loi pour lutter contre le trafic de cigarettes au Québec, un regroupement national de dépanneurs constate que l'initiative n'a eu aucun résultat sur le chiffre d'affaires de ses membres.

Le niveau de cigarettes de contrebande s'est maintenu à 40 pour cent du marché québécois, malgré les mesures adoptées l'automne dernier, a estimé lundi le vice-président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA), Michel Gadbois.

«Notre bilan, c'est que la contrebande est au même niveau, a-t-il dit. Quand la contrebande est à 40 pour cent et qu'on n'est pas capables de la juguler immédiatement, c'est qu'il y a quelque chose qui ne marche pas.»

Le regroupement est revenu à la charge, lundi, réclamant une série de mesures, telles que des représentations auprès des diverses autorités municipales, provinciales et policières, qui permettraient de réduire à 10 pour cent la part de cigarettes de contrebande fumées au Québec.

L'ACDA a aussi répété son plaidoyer en faveur d'une diminution temporaire des taxes sur le tabac.

En novembre dernier, l'Assemblée nationale a adopté une loi augmentant les pouvoirs des policiers ainsi que les amendes imposées aux contrebandiers afin de juguler le trafic de cigarettes, qui prive l'État québécois de 300 millions $ de recettes fiscales chaque année.

Selon M. Gadbois, les détaillants qu'il représente n'ont constaté aucune hausse des cigarettes qu'ils vendent, ce qui démontre selon lui que le marché du tabac de contrebande n'a pas diminué.

«Sur le terrain dans les derniers six mois, qu'on donne les excuses qu'on veut, l'effet est nul, a-t-il dit. (...) Nos détaillants ne voient pas de hausses dans leurs ventes.»

M. Gadbois a affirmé qu'il était difficile d'évaluer quelles mesures s'avéraient inefficaces parmi celles qui ont été mises en place récemment.

«Est-ce que c'est parce que le gouvernement n'a pas les ressources, en nombre de policiers, a-t-il demandé. Est-ce que c'est parce qu'ils ne sont pas prêts à agir de façon très forte aux environs des réserves autochtones?»

Le bureau du ministre du Revenu, Robert Dutil, a exprimé lundi une certaine satisfaction face aux mesures mises en place au cours des derniers mois.

L'attaché de presse du ministre, Mathieu St-Pierre, a affirmé que les amendes aux contrebandiers et la perception de taxes sur le tabac étaient pourtant en hausse.

«On a intensifié nos mesures et on a donné plus de dents à nos actions», a-t-il dit, en faisant référence aux chiffres des deux dernières années.

M. St-Pierre a cité une hausse de 3,2 millions $ des amendes, qui sont passées de 7,1 millions $, en 2008-09, à 10,3 millions $, en 2009-10.

Durant la même période, les taxes perçues (TPS et TVQ) sont passées de 13,5 millions $ à 14,5 millions $.

Lundi, l'ACDA s'est déplacée à l'Assemblée nationale pour faire pression sur les députés, qui étaient absents du parlement, la Chambre ne siégeant pas le lundi.

Le regroupement en a profité pour dévoiler le résultat de prélèvements de mégots de cigarettes, aux abords de divers édifices publics, afin d'illustrer la consommation de tabac de contrebande.

Selon l'ACDA, 8 pour cent des cigarettes fumées aux abords de l'Assemblée nationale proviennent du marché noir, tandis que ce résultat est de 11 pour cent à côté de l'édifice de Revenu Québec, à Sainte-Foy.

M. Gadbois a plaidé qu'une diminution des taxes n'occasionnerait aucune perte fiscale au gouvernement puisqu'elle serait compensée par une hausse des ventes des cigarettes dans les commerces, donc des revenus fiscaux.

«Si vous baissez les taxes de 50 pour cent et que vous augmentez le marché légal de 50 pour cent, vous faites exactement le même montant», a-t-il dit.

L'automne dernier, M. Dutil, qui estimait le marché de la contrebande de cigarette à 30 pour cent, s'était opposé à une réduction des taxes, affirmant qu'elle favoriserait le tabagisme.