Le caporal-chef André Girard doit la vie à son casque.

Le mardi 25 septembre 2007, ce policier militaire, membre des Forces canadiennes depuis 1998, participait à la patrouille d'un groupe de 10 personnes - six Afghans, trois Canadiens et un interprète - aux abords du village de Pashun dans le district de Zhari. Depuis plusieurs jours, Canadiens et Afghans travaillent à établir un poste de police dans le village. Chaque jour, ils partent en patrouille dans différentes directions.Vers 10 h 30 ce jour-là, le groupe est pris en embuscade par des insurgés bien abrités derrière un mur. Une fusillade infernale. « Ça commencé à tirer de partout, raconte le militaire de 29 ans. Ils ont commencé à nous entourer. En se déplaçant, ils se sont rapprochés jusqu'à une vingtaine de mètres. »

Le groupe du caporal-chef s'est séparé des deux côtés de la route. Girard était du côté droit, le moins exposé, derrière un muret. À gauche, trois ou quatre personnes étaient réfugiées dans un trou. Si elles relevaient la tête, c'était la mort assurée.

Réfugiés du côté droit, Girard et ses camarades tirent sans arrêt vers les talibans afin de couvrir la retraite des autres pris au piège. Le caporal-chef lance une grenade. Il entend un de ses camarades crier «Sortez-moi d'ici». Il tourne la tête et Bang ! Une balle frappe son casque, du côté gauche. Deux morceaux de métal se logent dans sa tête.

Un de ces deux éclats s'arrête sur la zone du cerveau contrôlant le langage. André Girard perd instantanément cette faculté.

«C'est comme si un marteau avait frappé mon casque, raconte-t-il. Du moment que la balle a frappé, aucun son ne sortait de ma bouche.»

Des renforts arrivent enfin. Girard est évacué vers une base d'opération avancée, puis vers Kandahar, Landstuhl et Québec.

À Kandahar, il est opéré une première fois. Lorsqu'il reprend conscience, il est à Québec. Trois semaines ont passé.

Fin octobre 2007, il est envoyé à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec. Il doit réapprendre à marcher et à parler. « Je recommençais de bien loin, mais ça a été super vite », soutient-il.

Mais il doit également apprendre à vivre avec une plaque de métal que les chirurgiens lui ont posée sur la tête. Un des éclats de la balle a en effet endommagé la boîte crânienne. Le cerveau a enflé. Il a fallu enlever une partie du crâne. Et poser une plaque une fois les choses revenues à la normale.

Finie, la patrouille

Les dommages au cerveau ont laissé des traces de paralysie à la jambe droite du caporal-chef. Cette séquelle, combinée à la plaque, le rend «inapte pour un terrain d'opération». Ce policier militaire est aussi exempt de faire de la patrouille. À moins de porter un casque. Ce qui ne l'intéresse pas.

En octobre dernier, Girard joint le même service que son camarade Ismaël Fournier : maître-instructeur de premiers soins. Là aussi, il est de nouveau confronté à ses limites : troubles de mémoire.

«C'est comme si quelqu'un s'était amusé à «pitcher» toutes les informations partout. Je n'étais pas capable de les retrouver dans mon cerveau, dit-il. Mais ce n'est pas que je ne m'en rappelais pas, c'est que je ne savais pas où aller les chercher. À chaque fois que je faisais quelque chose pour la première fois, je devais retrouver l'information.»

Après deux mois, il demande à retourner à son poste de police. Il est maintenant agent de liaison, un job qui implique les relations entre la police militaire, la police civile et le palais de justice dans les dossiers concernant des militaires.

Aucun regret

Comme d'autres, André Girard a le sentiment de ne pas avoir fini son travail en Afghanistan. «Je ne regrette rien, dit-il à propos de sa blessure. Si je pouvais y retourner demain matin, je le ferais.»

- Que diraient vos parents ?

- Si je leur disais demain matin que je retourne de l'autre bord, je ne pense pas qu'ils m'aimeraient. Ils ne la trouveraient pas drôle. Ils ont eu assez peur... Mais, en même temps, c'est ma job. Ils finiraient probablement par accepter mon choix. Ça ne ferait peut-être pas leur affaire. Mais ils l'accepteraient. J'imagine...»

- Vous avez aussi servi en Bosnie et à Kaboul. Quelle est la différence avec Kandahar ?

- Kandahar, c'est Kandahar. C'est la guerre (il secoue la tête, lève les bras en voulant dire que c'est l'évidence même). C'est plus dur, c'est plus intense. C'est plus stressant. C'est plus toute. Mais en même temps, c'était la mission la plus intéressante parce que je faisais la job que j'avais toujours rêvée de faire.»