«Dieu merci, ils sont sains et saufs!», s'émeut Salpi Zoboyan, la voix se brisant sous le coup de l'émotion. Autour d'elle, les larmes coulent sur tous les visages. Des larmes de bonheur. Des larmes d'espoir. Une trentaine de survivants de la Syrie sont arrivés hier soir à l'aéroport Montréal-Trudeau. Pour leurs proches, il ne s'agit pas de migrants syriens. Ce sont des frères, des cousins, des filles séparés par une guerre interminable. Hier soir, leur cauchemar a enfin pris fin.

Quinze ans. Eddy Moubaid n'avait pas vu son cousin et sa famille depuis 15 ans. Un bouquet de ballons à la main, il a enlacé sa tante pendant de longues secondes. Une étreinte attendue depuis des lustres. Son père et lui ont amorcé il y a deux ans les démarches pour accueillir leurs proches en vertu du Programme de parrainage collectif du Québec. Hier, ils ont récolté le fruit de leurs efforts.

«Ils auront la chance d'avoir un futur ici. Ils vont travailler et avoir une vie décente. Je leur donne une chance de refaire leur vie», raconte le père de famille d'une trentaine d'années. Eddy Moubaid est convaincu que son cousin et sa femme, des professionnels qui avaient un métier avant la guerre, réussiront à rebâtir leur vie et à trouver du travail à Montréal. «La Syrie, c'est dix fois les attentats de Paris. Tous les jours!», insiste-t-il. Pour lui, la Syrie n'est qu'un tas de ruines. «Là-bas, ils sont en vie, mais en fait, ils sont morts. Il n'y a pas de travail, il n'y a pas d'écoles, il n'y a rien», se désole-t-il.

Salpi Zoboyan et son mari accueilleront au cours de la prochaine année six membres de leurs familles dans leur maison de Laval. Sa belle-soeur Marie, son mari Yervant, leur fils Harout, sa femme et leurs deux garçons de 4 et 7 ans. Un geste d'altruisme qui n'en est pas à un pour cette Syrienne qui a immigré au Québec il y a quarante ans pour fuir la guerre au Liban. «Ce sont des gens déterminés qui sont heureux d'être ici», dit-elle.

En décembre dernier, elle avait pris sous son aile une proche et sa famille. Un an plus tard, ils sont déjà bien intégrés et leur français s'améliore constamment grâce aux cours de francisation, se réjouit-elle. «Ils travaillent le jour et étudient le soir.» Salpi Zoboyan est persuadée que Yervant, Marie et Harout ne feront pas exception, même s'ils ne parlent ni français ni anglais.

Après plus d'un an d'attente, la Lavalloise a finalement reçu un appel de l'immigration il y a deux semaines. Le grand jour arriverait enfin. Selon elle, la volonté du gouvernement Trudeau d'accélérer l'accueil des réfugiés syriens explique en partie ce court délai. «Je suis extrêmement reconnaissante pour ce programme de parrainage.»

Parrainage

De nombreux réfugiés syriens arrivés hier soir ont été parrainés en totalité ou en partie par l'organisme à but non lucratif Hay Doun, fondé en 2005 par des membres de la communauté arménienne. Depuis 2009, ils se consacrent notamment au parrainage de réfugiés syriens et irakiens. «Depuis l'an passé [...] plus de 1000 Syriens sont déjà venus. On espère que 1100 seront prêts à venir et on va probablement en parrainer 2000 pour 2016-2017», explique Mary Kevork, membre du C.A. de Hay Doun.

Selon l'avocate en immigration, les réfugiés accueillis par l'organisme s'intègrent rapidement à la société québécoise. «Tout le monde travaille et prend des cours de français et d'anglais. Personne ne dépend du gouvernement. Ils travaillent fort et les jeunes étudient à l'école. C'est vraiment incroyable, le niveau d'intégration», soutient-elle.

Pour parrainer un réfugié, un groupe de deux à cinq personnes doit montrer patte blanche au gouvernement et doit prouver qu'il a les ressources pour s'occuper du nouvel arrivant pendant au moins un an. Par exemple, un couple doit avoir un revenu de base d'au moins 30 495$. Ensuite, ils doivent détenir une somme supplémentaire de 16 524 $ pour parrainer un adulte et de 29 303$ pour parrainer deux adultes et deux enfants. Ils peuvent toutefois coparrainer un réfugié avec un organisme sans but lucratif, comme Hay Doun.