Cinquante policiers montréalais seront équipés de caméras corporelles dans le cadre d'un projet-pilote qui débutera au printemps. Les résultats de cette expérience feront ensuite l'objet d'une consultation publique à l'automne 2016 pour déterminer si Montréal étendra la mesure à tous ses agents.

Le maire Denis Coderre a confirmé avoir donné son aval au projet-pilote du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), estimant que l'utilisation de caméras corporelles pouvait être «bénéfique pour [ses] forces». Si la mesure est répandue aux États-Unis, la métropole deviendra la première ville au Québec à se doter de tels appareils.

Les démarches pour l'achat de caméras corporelles débuteront en janvier, mais celles-ci devraient faire leur apparition sur le terrain au printemps 2016. Le projet-pilote s'étendra ensuite sur huit mois.

Les caméras seront distribuées à des agents directement en relation avec les citoyens, comme ceux affectés à la circulation ou aux interventions sur le terrain. Une rotation sera effectuée entre différents services pour avoir des données pour chacun d'entre eux.

La responsable de la sécurité publique de Montréal, Anie Samson, estime que ces caméras permettront de mieux comprendre les circonstances entourant les interventions policières. «Aujourd'hui, les citoyens ont leur caméra et filment tout ce qui se passe, mais on a tout le temps une partie de l'histoire. Mais dans la vie, il y a toujours deux côtés à une médaille, et ces caméras pourront nous donner une vision de ce qui se passe», a déclaré l'élue.

Mardi soir, le conseil municipal a rejeté la motion de l'opposition pour tenir une consultation publique avant l'implantation du projet-pilote. L'administration Coderre a rejeté la demande en disant qu'il était prématuré de procéder immédiatement à une consultation et que la population serait appelée à se prononcer au terme du projet-pilote.

Anie Samson explique que, «dans les projets-pilotes qui sont faits à travers les États-Unis et au Canada - à Toronto et Vancouver, Calgary et Edmonton -, les résultats ne sont pas encore assez concluants pour qu'on sache exactement quoi attendre du projet des caméras corporelles. Avant de partir dans un projet généralisé, on doit le documenter.»

Ce projet-pilote doit justement permettre de répondre à plusieurs questions que Montréal se pose au sujet de ces caméras corporelles. «Il faut évaluer les coûts. Est-ce qu'on veut emmagasiner les données? Comment on va les emmagasiner? Qui y aura accès? Ce sont toutes ces questions auxquelles on doit répondre dans ce projet», a indiqué Anie Samson. La Commission de la sécurité publique, qui regroupe des élus municipaux, compte ensuite étudier les résultats de cette expérience à l'automne pour établir les balises de ce nouvel outil.

Les études menées jusqu'à présent ont permis de constater une baisse marquée des incidents violents impliquant des policiers. Tant les interventions musclées d'agents que les accusations de brutalité policière ont chuté, ont démontré plusieurs expériences.

Étude de la Sécurité publique

Un comité au ministère de la Sécurité publique du Québec s'est penché sur la question des caméras corporelles, mais son rapport déposé la semaine dernière à Québec n'a pas encore été rendu public. Le Ministère a indiqué qu'il s'agissait pour le moment d'un «rapport préliminaire, un document de travail interne».

Ce comité a rassemblé des représentants de l'École nationale de police, des corps policiers, de l'Association des directeurs de police du Québec, du ministère de la Justice et du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Dans les rares détails qui ont filtré sur les travaux de ce comité, ses membres ont pris note de la recommandation faite en juin dernier par le coroner Paul Dionne en faveur des caméras corporelles. Dans son enquête sur les circonstances entourant la mort de Robert Hénault, atteint par balle lors de son arrestation, le coroner avait déploré le manque de détails dans les rapports rédigés par les policiers. L'utilisation de caméras aurait permis d'éclaircir ces circonstances.

Policier accusé

L'officier Ray Tensing, de la police de l'Université de Cincinnati, a été accusé de meurtre après le visionnement des images captées par sa caméra corporelle lors d'une intervention, en juillet dernier. L'analyse de la vidéo a conclu qu'il avait de bonnes raisons d'intercepter Sam DuBose, qui n'avait pas de plaque d'immatriculation à l'avant de son véhicule, mais que rien ne justifiait d'ouvrir le feu sur celui-ci. Atteint à la tête, l'homme, qui n'était pas armé, a été déclaré mort sur le coup.