L'opposition craint que les démarches entreprises par l'administration Coderre afin de doter Montréal d'un système de véhicules en libre-service (VLS) électriques favorisent une entreprise française au détriment de celles qui sont déjà implantées dans la métropole.

Le maire a annoncé qu'il veut accélérer l'électrification des transports à Montréal grâce à l'implantation, d'ici 2020, d'un système de 1000 véhicules électriques en libre-service ainsi que d'un vaste réseau de bornes de recharge électrique. Les premières voitures de ce nouveau réseau devraient même rouler d'ici le printemps prochain.

Alors que Montréal compte déjà deux réseaux d'autopartage sur son territoire, soit Auto-mobile de Communauto et Car2Go, la Ville lancera en juin un appel d'intérêt international pour mettre en place un nouveau système. Les fournisseurs de VLS du monde entier seront appelés à transmettre leurs informations et leurs suggestions pour trouver la meilleure façon d'implanter un système 100 % électrique dans la métropole québécoise. Après analyse, la métropole lancera en octobre un appel de propositions afin de déterminer le gestionnaire.

Saluant la volonté de favoriser les voitures électriques, Communauto s'est néanmoins dite étonnée de la démarche retenue par la métropole. « Pourquoi attendre cinq ans pour avoir un parc de véhicules électriques en libre-service ? On ne comprend pas pourquoi la Ville ne met pas tout de suite des incitatifs pour que nous, on progresse tout de suite, au lieu d'attendre 2020 ? », a dit Marco Viviani, directeur du développement de l'entreprise montréalaise, qui disposera de 60 véhicules électriques en libre-service à Montréal d'ici la fin de l'été.

« Ç'a toutes les apparences d'un appel d'offres dirigé pour favoriser un fournisseur, à savoir Bolloré », s'est inquiété le conseiller Alex Norris, de Projet Montréal. Celui-ci a souligné que le maire a rencontré à deux reprises l'industriel Vincent Bolloré, qui possède le système Autolib à Paris. Le Commissaire au lobbyisme du Québec mène d'ailleurs une vérification au sujet de ces rencontres.

L'élu de l'opposition souligne que deux entreprises de VLS oeuvrent déjà en libre concurrence et que le lancement d'un appel d'offres mènera inévitablement à l'implantation d'un monopole.

Avant même que l'opposition ne fasse sa sortie, Denis Coderre avait anticipé ces critiques. Le maire a commencé son point de presse en assurant qu'il ne cherchait pas à favoriser une entreprise. « On n'était pas là pour une compagnie par rapport à une autre. On était là pour l'intérêt des Montréalais. »

Le maire a par ailleurs nié que ses rencontres avec l'industriel Bolloré représentaient une entorse à la Loi sur le lobbyisme, puisqu'il assure en avoir été l'instigateur. Une personne n'a pas à s'inscrire au registre des lobbyistes si sa rencontre a été demandée par l'élu.

Denis Coderre souhaite faire de Montréal la « capitale de l'électrification des transports en Amérique du Nord », soulignant que l'objectif est de réduire de 30 %, d'ici 2020, ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. L'électrification des transports est vue comme un bon moyen d'atteindre cet objectif, 43 % des émissions polluantes au Québec provenant des transports.

D'ici à ce que le réseau électrique soit complètement implanté, le maire a affirmé que les arrondissements montréalais pourront délivrer des vignettes de stationnement aux VLS de tous types. Les entreprises Communauto et Car2Go pourront ainsi continuer leur expansion, elles qui misent pour le moment principalement sur des voitures à essence.

Mais voilà, il n'est pas encore clair pour le moment si les véhicules électriques de toutes les entreprises seront admissibles à des vignettes de stationnement une fois le réseau électrique implanté ou si seuls ceux du fournisseur retenu par Montréal au terme de son appel de proposition le seront. « On n'est pas rendus là », a simplement répondu la maire à ce sujet.

Cette incertitude ralentira le développement des VLS, déplore Projet Montréal, puisqu'elle laisse planer un doute sur l'avenir des deux entreprises déjà implantées à Montréal si elles ne peuvent garer leurs véhicules dans les rues. Le directeur montréalais de Car2Go, Jérémi Lavoie, confirme que la possibilité de stationner ses véhicules dans les rues est importante.

Projet Montréal ne croit pas que la métropole doive investir dans un tel système. « On a eu de la difficulté à soutenir financièrement un système de vélos en libre-service : est-ce que la Ville de Montréal va se lancer dans la subvention des véhicules en libre-service ? C'est une préoccupation légitime », a dit Alex Norris.

Le maire Coderre a estimé pour sa part qu'un tel projet était moins risqué que BIXI, puisqu'il n'est pas question que Montréal se mette à vendre des véhicules électriques.

Chronologie

Juin 2015

Montréal lancera un appel d'intérêt international pour demander des informations aux fournisseurs de véhicules en libre-service électriques.

Octobre 2015 

Montréal lancera un appel de propositions pour trouver une entreprise afin de gérer le système de véhicules en libre-service électriques retenu.

Printemps 2016 

Les premiers VLS électriques feront leur apparition dans les rues de Montréal.

2020 

Le réseau de VLS électriques de Montréal devrait compter 1000 voitures.

Principaux acteurs du VLS

Communauto

Cette entreprise montréalaise comptera sous peu un peu plus de 1200 voitures, dont 60 seront électriques d'ici la fin de l'été. L'entreprise assure qu'elle pourrait gérer un système de 1000 voitures électriques à Montréal.

Car2Go

Propriété du constructeur automobile Daimler, l'entreprise gère des systèmes de VLS dans 29 villes, pour un total de 10 000 véhicules. Implantée à Montréal il y a moins d'un an, elle offre 340 véhicules à ses quelque 29 000 abonnés.

Groupe Bolloré

L'entreprise n'est pas encore présente à Montréal, mais elle exploite toutefois le plus important système de VLS électriques dans le monde, soit Autolib à Paris, qui compte plus de 3000 véhicules et 70 000 membres. Le système est en pleine expansion. Après avoir étendu ses activités à Lyon et à Bordeaux, l'entreprise prévoit démarrer ses activités cette année à Indianapolis, aux États-Unis, et à Londres, au Royaume-Uni.