Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) fait preuve d'une «certaine réserve» à l'égard de la mise en place de l'«arrêt Idaho», qui permettrait aux cyclistes de dépasser un panneau d'arrêt sans s'immobiliser lorsque la voie est libre, comme si un arrêt équivalait à céder le passage.

Selon des documents du Groupe de discussion sur la sécurité des cyclistes obtenus par La Presse, le SPVM et d'autres services de police du Québec se montrent aussi prudents face à certaines innovations suggérées pour améliorer la sécurité des cyclistes et donner plus de place au vélo sur la voie publique.

C'est le cas pour la circulation des vélos dans les voies réservées aux autobus, qui fait encore tiquer le SPVM, ou de la traversée d'une intersection sur un feu piéton, qui pourrait favoriser la fluidité des vélos au détriment de la sécurité des piétons.

Par ailleurs, l'idée d'imposer une «distance minimale de dépassement» qui obligerait les automobilistes à demeurer à au moins 1 mètre ou 1,5 mètre de distance du vélo, quand ils dépassent un cycliste, serait «difficile à appliquer», selon le SPVM. La Sûreté du Québec (SQ) a renchéri en estimant que cette distance minimale «pourrait augmenter la sécurité des cyclistes, mais augmenter le risque de collision entre automobilistes».

«Il faut s'assurer que les modifications éventuelles au Code de la sécurité routière conservent une cohérence entre les règles et de ne pas créer de problèmes de sécurité pour d'autres usagers en voulant améliorer la sécurité des cyclistes», a notamment fait valoir la SQ, lors d'une première rencontre du groupe de discussion créé au printemps dernier.

Un «défi de taille»

Pour la SQ, changer la culture des divers usagers de la route représente «un défi de taille» et doit s'inscrire dans une vision à long terme qui pourrait prendre de 10 à 15 ans, «si on veut réaliser les changements nécessaires à l'égard de la place des cyclistes sur le réseau routier».

Ce groupe de discussion, qui réunit des associations cyclistes, des services policiers et plusieurs organismes de transports, a été créé à la demande du ministre des Transports du Québec, Robert Poëti, peu après la mort tragique de la cycliste Mathilde Blais, renversée par un camion dans un tunnel de la rue Saint-Denis, à Montréal, en avril dernier.

Selon les documents obtenus par La Presse, plusieurs changements majeurs au Code de la sécurité routière font partie des discussions, dont l'utilisation des feux piétons par les cyclistes, l'obligation de circuler à l'extrême droite de la chaussée ou la circulation des vélos dans les voies réservées aux autobus.

La pertinence d'imposer le port d'un casque à vélo ou d'interdire aux cyclistes d'utiliser le téléphone cellulaire ou de circuler entre deux rangées de voitures a aussi été apportée à la table, dont les membres se réuniront pour une deuxième fois ce matin.

Ses recommandations finales sont attendues par le ministre à l'automne 2015.

Une mesure phare

Une des mesures phares avancées par des associations, notamment la Coalition Vélo de Montréal, est le «stop Idaho», qui permet aux cyclistes de traiter un panneau d'arrêt comme s'il s'agissait d'une obligation de céder le passage. Cette disposition a été intégrée en 1982 au code de la sécurité routière d'un petit État du nord-ouest des États-Unis, l'Idaho, d'où son nom. Les rares études réalisées par la suite n'ont jamais démontré d'augmentation importante des accidents aux intersections depuis son adoption, il y a plus de 30 ans.

La manoeuvre pourrait être comparée à ce que les automobilistes appellent un «stop américain». À l'approche d'un panneau d'arrêt, à une intersection, le cycliste ralentit et doit regarder à gauche, puis à droite, et à gauche de nouveau, pour voir d'abord si la voie est libre. Si aucun véhicule, piéton ou autre cycliste n'est prêt à s'engager dans l'intersection, le cycliste peut alors passer le panneau d'arrêt sans s'arrêter.

L'arrêt Idaho «est déjà une pratique courante chez les cyclistes au Québec», selon les commentaires du SPVM repris dans les documents obtenus par La Presse. «L'obligation des cyclistes d'arrêter complètement au panneau d'arrêt est très peu respectée au Québec», fait valoir le service de police de Montréal.

«Pour l'instant, le SPVM émet une certaine réserve à la mise en place d'une telle mesure», indique un document.

D'autres enjeux

Port obligatoire du casque

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a demandé un nouvel avis de santé publique relatif au port obligatoire du casque de sécurité lors d'un déplacement à vélo, une mesure à laquelle s'opposent les associations de cyclistes. L'avis a été commandé à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui a produit trois mémoires, depuis 1996, tous favorables à une loi obligeant le port du casque à vélo. Son mandat «vise à analyser en profondeur les arguments souvent utilisés contre la législation sur le port du casque obligatoire à vélo». Cette étude est attendue avant la fin de 2015.

Des amendes efficaces?

La SQ et l'Association des directeurs de police du Québec croient «qu'il n'est pas toujours bénéfique d'augmenter les amendes reliées au Code de la sécurité routière» et qu'une hausse des sanctions «pourrait avoir comme effet de dissuader les agents de donner des contraventions», que ce soit aux automobilistes ou aux cyclistes. CAA-Québec, qui représente les automobilistes, partage ce point de vue et estime qu'«une réduction des points d'inaptitude pour les cyclistes qui ne respectent pas la loi ou une augmentation des sanctions pour les automobilistes» pourrait avoir pour effet «de réduire l'adhésion sociale envers les modifications qui seront apportées au Code de la sécurité routière».