Malgré plusieurs témoignages contradictoires, l'agente de la Sûreté du Québec blessée par balle lundi après-midi à Saint-Rémi n'aurait pas été désarmée par le suspect impliqué dans la fusillade qui a éclaté en plein village.



C'est ce qu'a affirmé mardi le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui a hérité de l'enquête. «Selon l'analyse des projectiles trouvés sur la scène et l'impact des balles, la policière n'aurait pas été désarmée», a souligné l'agent Daniel Fortier. Selon lui, le suspect, âgé de 41 ans, était donc lui-même en possession d'une arme et a fait feu sur la policière de 29 ans.

Cette version contredit celle de nombreux témoins, qui ont dit que le suspect s'était emparé de l'arme de la policière directement dans son étui avant d'ouvrir le feu. «Ça se passe vite (ces événements) et ce n'est pas habituel d'assister à des coups de feu. C'est certain que, dans l'action, ça peut porter à confusion et donner matière à interprétation, a expliqué l'agent Fortier. On n'a aucune raison de faire croire aux gens que la policière n'a pas été désarmée.»

La policière a reçu une balle à la cuisse, et l'homme aurait été atteint de plusieurs projectiles. Leur vie n'est pas en danger. Des témoins disent qu'il y a eu une quinzaine de coups de feu.

Tout aurait commencé par un braquage de domicile. Le suspect aurait enlevé une femme et l'aurait fait monter de force dans une voiture, peut-être pour se rendre à la caisse populaire. La femme se serait échappée et aurait trouvé refuge dans la fromagerie voisine. Le suspect se serait alors mis à sa recherche. On l'aurait aperçu dans un dépanneur, puis dans un casse-croûte, avant que les policiers ne l'interpellent et que les choses tournent au vinaigre.

Depuis le début de l'année, c'est la sixième fois que des policiers utilisent leur arme de service dans la grande région montréalaise, et la troisième en moins d'une semaine. Ces incidents (trois à Montréal, un à Laval, un à Terrebonne et un à Saint-Rémi) se sont soldés jusqu'à maintenant par la mort de trois hommes.

«Réflexion» sur les enquêtes indépendantes

Le ministère de la Sécurité publique (MSP) exige une enquête indépendante lorsqu'une personne meurt ou subit des blessures graves au cours d'une opération policière ou pendant qu'elle est en détention. Par souci de transparence, l'enquête est alors confiée à un autre corps policier. Depuis le début de l'année, la SQ a hérité de cinq dossiers et le SPVM, d'un.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a confirmé mardi qu'une «réflexion» était en cours pour réévaluer les mécanismes qui autorisent les policiers à enquêter sur les gestes de collègues d'autres corps.

Mais selon M. Dutil, les problèmes relèvent avant tout «de la perception». La population présume que les policiers vont nécessairement prendre parti pour leurs collègues. Selon le ministre Dutil, quand le gouvernement a décidé que les enquêtes sur les policiers seraient automatiquement confiées à un autre corps policier, une bonne partie du problème a été réglée. Son prédécesseur Jacques Dupuis avait demandé au Ministère si l'indépendance des enquêtes pourrait être encore plus étanche.

M. Dutil s'est refusé à donner un échéancier - il souhaite attendre le rapport du coroner sur la mort de Fredy Villanueva, lequel est «imminent», a-t-il dit.

Des sources policières soulignent que Québec n'a pas l'intention de s'inspirer des mécanismes mis en place en Ontario, où une commission totalement indépendante, formée d'anciens policiers, fait enquête sur les bavures policières. Une telle structure s'est avérée coûteuse, explique-t-on.

Entre 1999 et 2010, le ministère de la Sécurité publique a commandé 318 enquêtes indépendantes, dont 72 sur des opérations policières au cours desquelles des personnes ont été tuées ou gravement blessées. De ces 318 enquêtes, 3 ont mené à des accusations contre des policiers, 285 n'ont entraîné aucune mise en accusation et 30 sont toujours en cours.