Dix ans après la mort des deux fillettes, il n'y a pas plus de réponse sur la cause de leur décès et « le mystère reste entier », a déclaré l'un des avocats d'Adèle Sorella, lundi, à son procès pour meurtre.

Il y a dans cette affaire des énigmes dont vous parlerez encore longtemps après la fin du procès, a dit aux jurés Me Pierre Poupart, dans le cadre de sa plaidoirie.

Sa cliente, Adèle Sorella, est accusée du meurtre de ses deux petites filles, Amanda, neuf ans, et Sabrina, huit ans. Elles ont été retrouvées mortes le 31 mars 2009 au domicile familial, dans leur salle de jeu, sans trace de violence.

La cause de leur décès n'a pas été déterminée.

Mais une chambre hyperbare est pointée du doigt par la Couronne. Cet endroit hermétique permet l'utilisation médicale de l'oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique. Une pathologiste qui a témoigné au procès à la demande de la poursuite l'a identifiée comme la source possible d'une mort par suffocation des fillettes. Cet équipement - qui mesure environ huit pieds de long par trois de haut et trois de large - était présent dans la demeure familiale pour traiter l'arthrite juvénile de Sabrina.

Me Poupart a fait valoir qu'un chimiste, expert en matériaux et en transferts de fibres, n'a retrouvé aucune fibre des vêtements des enfants sur le drap recouvrant le matelas de la chambre hyperbare, ni de fibres du drap sur les vêtements retrouvés sur les fillettes.

« Il y a dans cette affaire une part de mystère », a répété Me Poupart.

Il a dit aux jurés de ne pas conclure que sa cliente avait tout planifié et même pensé au transfert possible des fibres d'un matériel à l'autre. « Ce n'est pas un génie du crime, Adèle Sorella. »

Et puis, considérant tous les problèmes médicaux et limitations physiques qu'elle avait, elle n'aurait pas pu transporter les fillettes de la pièce où se trouvait la chambre hyperbare à la salle de jeu où elles ont été retrouvées mortes - 16 marches d'escalier et un palier plus bas, a souligné son avocat.

Enquête policière

Me Poupart a aussi remis en question le travail des policiers sur la scène de crime : il retient de la preuve présentée qu'ils n'ont pas pris d'empreintes digitales, n'ont pas fait toutes les vérifications pour une possible entrée par effraction ni examiné la chambre hyperbare, pourtant si centrale à cette affaire selon eux, a-t-il fait valoir lundi.

Dès le début de l'enquête, il y avait une espèce « d'obsession, de certitude absolue » qu'il fallait que la coupable soit Mme Sorella, a déploré Me Pierre Poupart.

Et si l'on pense de cette façon, on baisse la garde et on ne regarde pas d'autres possibilités, on ne cherche pas d'autres indices, a-t-il ajouté.

Des policiers ont témoigné ne pas avoir vu de traces d'entrée par effraction, mais ont reconnu ne pas avoir vérifié toutes les fenêtres, a fait ressortir l'avocat.

La Couronne avait annoncé, au premier jour du procès, qu'elle allait démontrer que Mme Sorella avait eu ce jour-là l'« opportunité exclusive » de tuer les fillettes, puisque personne d'autre n'était à la maison. Les procureurs peuvent évidemment ajuster leurs arguments et leur théorie de la cause, au vu de la preuve ayant depuis été présentée au jury.

Mais les avocats de l'accusée s'efforcent de démontrer d'autres possibilités.

Par exemple, un système d'alarme sophistiqué - inhabituel, a dit un témoin - avait été installé par le mari de Mme Sorella sur la maison. Giuseppe De Vito n'habitait plus les lieux le jour où les fillettes ont été retrouvées mortes. Il était recherché par la police dans le cadre de l'opération contre le crime organisé « Colisée ». Il est mort en prison en 2013.

« Posez-vous cette question : l'installation d'un tel système par son mari peut-elle être perçue comme un signe d'inquiétude ? » a demandé Me Poupart.

Un module du système, qui enregistrait les images, n'était plus dans la maison le 31 mars 2009. Son emplacement était discernable par les traces de poussière restées sur la tablette, a plaidé l'avocat de l'accusée.

Me Poupart a aussi entretenu les jurés sur la présomption d'innocence dont bénéficie Mme Sorella jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable.

Il sera aussi question de l'état mental de l'accusée lors des plaidoiries : ses avocats ont fait témoigner un expert en psychiatrie légale qui a déclaré en cour qu'elle a vraisemblablement eu un épisode de dissociation la journée où ses fillettes ont été retrouvées mortes. Ils ont aussi évoqué devant juge et jury - sans dire s'ils allaient s'en servir - l'article 16 du Code criminel qui permet de plaider la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

Mme Sorella, qui a témoigné à son procès, a répété au jury à maintes reprises qu'elle n'avait presque pas de souvenirs de la journée du 31 mars 2009.

La plaidoirie de Me Poupart va se poursuivre mardi. Par la suite, les avocats de la Couronne vont offrir leurs arguments au jury et ils tireront vraisemblablement d'autres inférences de la preuve.