Toufik Benhamiche, ce Québécois retenu à Cuba depuis un an et demi, vient d'être condamné à quatre ans de prison, au terme d'un deuxième procès. Une décision qu'il trouve « injuste » et qu'il compte fermement porter en appel.

« Comme attendu, je me retrouve à nouveau condamné injustement par le Tribunal provincial de Ciego de Ávila à une peine de quatre ans de privation de liberté », a écrit mercredi M. Benhamiche, dans un communiqué transmis par son épouse.

En 2017, lors d'une excursion touristique à Cayo Coco, l'homme a pris la barre d'un petit bateau, dans lequel se trouvait sa famille, lorsqu'il a dévié de sa course et happé mortellement une touriste ontarienne, Jennifer Ann Marie Innis.

La défense de Toufik Benhamiche, Mascouchois de 48 ans, a toujours plaidé que ce dernier n'avait pas reçu assez d'instructions sur la manière de manoeuvrer l'embarcation dont il avait perdu la maîtrise.

Au terme d'une enquête et d'un premier procès, M. Benhamiche avait déjà été condamné à quatre ans d'emprisonnement pour négligence criminelle, en 2017. Ce verdict et cette peine avaient toutefois été invalidés par le plus haut tribunal cubain, qui souhaitait qu'une deuxième enquête soit réalisée.

Le second procès s'est ouvert le 10 décembre dernier et a duré environ cinq heures. La sentence est tombée le 24 décembre, deux jours avant la date prévue.

« INJUSTICE »

Toufik Benhamiche et sa femme, Kahina Bensaadi, dénoncent depuis le début une « injustice » et réclament que les autorités canadiennes prennent l'affaire en main. Selon eux, le Tribunal provincial « nargue les lois, les preuves et les témoignages », afin de faire condamner coûte que coûte le Québécois.

L'avocat montréalais Julius Grey, qui représente Toufik Benhamiche, abonde dans ce sens. D'après lui, « il est évident que la faute n'est pas à M. Benhamiche ». 

La première victime est évidemment la mère de famille qui a perdu la vie, mais dans le cadre du processus judiciaire, M. Benhamiche est un bouc émissaire, une « victime de la corruption locale », affirme Me Grey.

« J'ai la conviction profonde que [le tribunal régional] essaye à tout prix d'éviter que la compagnie cubaine soit tenue responsable », soutient Julius Grey.

APPEL DE LA DÉCISION

Alors qu'il a demandé que la décision soit portée en appel à la Cour suprême de Cuba, Toufik Benhamiche explique que cela implique sa rétention sur l'île durant une autre année au moins, soit six mois, pour que la demande d'appel soit traitée, et six autres, pour que son dossier soit à nouveau entendu au tribunal provincial.

Il ne sera pas envoyé derrière les barreaux pour l'instant, car l'exécution de la sentence est suspendue tant que la demande en appel est pendante. Par ailleurs, M. Benhamiche portera plainte à la Cour suprême, car une juge se serait endormie pendant une vingtaine de minutes durant son procès.

Pour lui, si la sentence est confirmée, ce sera comme un emprisonnement de six ans, car cela fera bientôt deux années déjà qu'il ne peut quitter l'île des Caraïbes, dit-il.

Son épouse, restée seule au Québec avec leurs deux filles, refuse de baisser les bras. « On ne cédera pas et nous continuerons à user de tous les recours jusqu'à ce que mon mari revienne en homme libre », a-t-elle écrit dans un courriel.

LE CANADA INTERPELLÉ

À nouveau, Toufik Benhamiche, sa famille ainsi que Me Grey interpellent Ottawa afin d'obtenir du soutien. « C'est le temps que le gouvernement exerce ses fonctions et son obligation de défendre un Canadien à l'extérieur du pays », lance Me Grey.

Il souhaite que le Canada utilise son meilleur recours en « mettant de la pression » sur Cuba, sans quoi M. Benhamiche n'obtiendra jamais son visa de sortie, selon lui.

Des manifestations avaient été organisées par ses proches pour interpeller les autorités canadiennes responsables. Me Grey a de plus déposé une action pour exiger que le gouvernement s'implique davantage. Depuis, « ils envoient des lettres », dit l'avocat. Et une représentante du gouvernement canadien déléguée par l'ambassade à Cuba a assisté au procès au début du mois, rapportent Me Grey et M. Benhamiche.

Affaires mondiales Canada (AMC) confirme être « au courant qu'une cour de Cuba a rendu une décision dans le dossier de Monsieur Benhamiche », mais n'a pas souhaité partager plus d'informations concernant le degré d'implication du Ministère dans cette affaire.

« Les agents consulaires canadiens sont en contact avec les autorités locales pour recueillir des informations supplémentaires et continuent de fournir des services consulaires à Monsieur Benhamiche et à sa famille », a écrit le porte-parole d'AMC, dans un bref courriel à La Presse.

Le Ministère n'a toutefois pas confirmé la présence d'une représentante de l'ambassade. En raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, aucune autre information ne peut être divulguée, a-t-on expliqué.