Les gestes posés par les policiers sur le lieu du meurtre de Richard Oland seront scrutés à la loupe, cette semaine, alors que le deuxième procès du fils du millionnaire reprend mardi.

Les avocats de Dennis Oland estiment que l'enquête du Service de police de Saint-Jean n'a pas été menée dans les règles de l'art, et ils ont clairement indiqué que cet enjeu constituerait un élément central de la stratégie de la défense. Ils en ont surtout contre l'incapacité des policiers à préserver correctement la scène de crime, et la rapidité avec laquelle les enquêteurs ont décidé de faire de Dennis Oland le seul et unique suspect du meurtre.

« Dennis a été la dernière personne connue à avoir vu Richard Oland en vie, mais pour la police, le mot "connu" s'est évaporé très rapidement », a soutenu Me Alan Gold au tribunal, la semaine dernière.

Quelques heures à peine après la découverte du corps de Richard Oland, le 7 juillet 2011, la police a identifié Dennis comme étant le principal suspect du meurtre.

Dans leur témoignage, deux policiers ont par ailleurs raconté qu'une vingtaine de collègues s'étaient rendus au bureau de Richard Oland, dans le centre-ville de Saint-Jean, le jour où son corps a été découvert dans un bain de sang. En plus du flot continu de policiers, la scène a vu défiler des ambulanciers, le coroner et des employés des pompes funèbres.

Me Gold a suggéré lors du contre-interrogatoire de l'agent Duane Squires que la scène de crime était pratiquement devenue une attraction touristique à Saint-Jean.

La défense soulève aussi des questions sur les objets qui pourraient avoir été déplacés sur les lieux du crime, le manque d'attention accordée à une issue de secours qu'aurait pu emprunter un autre suspect, et le fait que la scène de crime n'ait pas été protégée de toute « contamination ».

Le chef adjoint

Me Gold a aussi souligné la visite, sur la scène de crime, du chef adjoint Glen McCloskey, dont la présence avait soulevé des questions lors du premier procès. Un autre policier a déclaré que le chef adjoint McCloskey avait suggéré de ne pas informer le tribunal de ses visites sur les lieux du crime. Cette affaire devait d'ailleurs faire l'objet d'une audience devant la Commission de police du Nouveau-Brunswick, mais M. McCloskey a pris sa retraite entre-temps - et la commission n'enquête que sur les policiers en service actif.

La défense soulèvera aussi des questions, au cours des prochains jours, sur l'utilisation par la police d'une salle de bains sur les lieux du crime avant qu'elle ne soit passée au crible par les techniciens de l'identité judiciaire. L'agent Squires a admis qu'il était relativement néophyte dans les enquêtes sur les homicides en 2011, et qu'il ferait les choses différemment aujourd'hui pour protéger une scène de crime.

Dennis Oland, âgé de 50 ans, a été formellement inculpé en 2013 du meurtre au deuxième degré de son père, un homme d'affaires multimillionnaire membre de la réputée famille propriétaire des brasseries Moosehead, dans les Maritimes. Dennis Oland avait été reconnu coupable à l'issue d'un procès avec jury en 2015, mais la Cour d'appel a annulé le verdict et ordonné la tenue d'un nouveau procès.

La conduite de la police de Saint-Jean a été mise en cause même avant le début des témoignages de policiers au nouveau procès : le tribunal a appris dès le début des audiences qu'un policier avait accédé à une base de données interne de la police pour fouiller les antécédents de jurés, en violation d'une directive de la Cour suprême du Canada datant de 2012. Le juge a aussitôt annulé le procès et renvoyé les jurés, ce qui fait que le procès Oland se déroule maintenant devant juge seul.

La Commission de police du Nouveau-Brunswick a annoncé vendredi qu'elle enquêterait sur l'implication de la police dans l'annulation du procès, mais seulement « au terme de toutes les procédures criminelles dans cette affaire ».