C'est par pur esprit de vengeance que Hasnat Miftahul Syed a faussement alerté les autorités de l'État de New York en août 2016 qu'un collègue s'apprêtait à entrer aux États-Unis avec des explosifs pour mener des activités terroristes, a plaidé hier la poursuite au terme de l'un des premiers procès au pays pour incitation à craindre des activités terroristes.

Le 11 août 2016, Hasnat Miftahul Syed se rend dans un magasin Walmart de Brossard, achète un téléphone prépayé pour 65 $ et appelle une première fois la police de l'État de New York spécialisée dans le contre-terrorisme. Il rapporte qu'un homme s'apprête à passer la frontière américaine avec de la drogue et des explosifs dans le but de faire de la reconnaissance afin de commettre un attentat terroriste à New York. L'accusé de 39 ans rappelle ensuite à deux reprises un autre service de contre-terrorisme de l'État, dont une fois le lendemain matin. Il ne révèle ni son identité ni le nom de leur employeur.

Ces allégations sont prises très au sérieux par les autorités américaines et canadiennes. Le suspect est rapidement interpellé par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à son domicile de Montréal, devant sa famille, tout juste avant leur départ pour leurs vacances familiales aux États-Unis. Mais on se rend vite compte que ce père de famille n'a rien à se reprocher. Son identité, ainsi que celle de tous les témoins du procès, est protégée par une ordonnance de la cour.

« Les preuves sont dévastatrices », a résumé la procureure de la Couronne Carolyne Paquin dans ses plaidoiries. Le jour même de son appel à la police de l'État de New York, Hasnat Miftahul Syed avait reçu un avertissement écrit de son employeur pour son mauvais rendement.

« [Son collègue] rapportait ses erreurs au travail, commentait sa façon de s'habiller et comment il parlait. Il l'intimidait », a indiqué Me Paquin pour expliquer les motifs de l'accusé.

« Il croyait avoir de bonnes informations »

Hasnat Miftahul Syed a maintenu pendant le procès qu'il avait entendu des bribes d'une conversation téléphonique de son collègue de travail à la fin du mois de juillet 2016 où il était question d'explosifs et de New York. « Syed a eu peur pour sa sécurité. Il voulait que tout le monde soit sain et sauf. Il croyait avoir de bonnes informations [qu'il était justifié] de rapporter. Les citoyens inquiets ont le devoir de rapporter ceci », a plaidé hier l'avocat de la défense Nicolas Welt.

« La version de M. Syed n'est pas crédible et n'a aucun sens », a martelé Me Carolyne Paquin. « Si [son collègue] avait dit ces choses, il ne l'aurait certainement pas fait devant ses collègues, dans un environnement de travail ouvert ! Il l'aurait fait en privé. On parle d'introduire clandestinement de la drogue et des explosifs et de faire de la reconnaissance pour des activités terroristes », a-t-elle plaidé. De plus, l'accusé savait que son collègue partait en vacances à New York, il connaissait son modèle de véhicule et son numéro de plaque d'immatriculation.

Hasnat Miftahul Syed est accusé d'avoir commis un « acte susceptible de faire raisonnablement craindre que des activités terroristes sont ou seront menées, sans être convaincu qu'il en est ainsi ». C'est l'une des premières fois au pays - sinon la première - que cet article récent du Code criminel mène à un procès.

Le juge Robert Marchi rendra sa décision le 20 mars. L'accusé risque une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement.