Poursuite et défense s'entendent pour suggérer une sentence de huit ans de pénitencier à Sylvain Desjardins, ce pilote québécois qui a atterri d'urgence en Ohio en mars dernier avec un petit appareil bourré de 132 kg de cocaïne, a appris La Presse.

C'est un juge américain qui devra toutefois trancher. La poursuite et la défense sont aussi d'avis que le profil de Desjardins fait en sorte qu'il devrait au maximum être condamné à une peine variant entre 9 ans et 11 ans et trois mois.

Le 29 mars dernier, Desjardins, 56 ans, et son passager, David Ayotte, 46 ans, qui se trouvaient à bord d'un petit appareil de type Piper, se sont posés d'urgence sur la piste d'atterrissage de l'Université de l'Ohio, dans le secteur de Colombus, en raison d'un problème mécanique. Peu après, les policiers ont découvert les 132 kilos de cocaïne emballés séparément, et cachés principalement dans la queue de l'appareil. La drogue a été évaluée à environ 5M$.

À la fin mai, les deux hommes, originaires de la région de Mirabel, ont décidé de plaider coupable à une accusation de possession de plus de 5kg de cocaïne dans un but de trafic. Ayotte attend lui aussi sa sentence.

Pas le choix

À l'étape des représentations sur la peine, l'avocat de Desjardins, Steven Nolder, a fait valoir que son client ne voulait pas briser les lois américaines et qu'il n'a eu d'autre choix que d'atterrir aux Etats-Unis.

«Lorsqu'il a décollé de la République dominicaine, avec un avion contenant 132 kg de cocaïne, le plan était qu'il emprunte l'espace aérien américain mais pas qu'il en foule le sol. Durant le vol, un problème mécanique a fait surchauffer le moteur. Mon client s'est retrouvé devant un choix qui n'en était pas un ; ou bien il atterrissait aux Etats-Unis ou bien il continuait et risquait un écrasement dans lequel et lui et son passager auraient pu mourir», écrit l'avocat dans un document judiciaire.

M. Nolder décrit également l'enfance difficile que Desjardins et ses cinq frères et soeurs ont connu, auprès d'un père ayant des problèmes de jeu et d'une mère qui a dû recourir à la paroisse et aux organismes de charité pour répondre aux besoins de ses enfants. «Sylvain a eu une existence pénible», écrit l'avocat.

À l'âge de 12 ans, Sylvain Desjardins a joué dans une émission télévisuelle à Montréal dont le titre n'est pas précisé. Il n'a jamais terminé ses études. Il est marié et a des enfants.

Entre 2001 et 2003, il a travaillé dans la construction et a tenu un restaurant à Berlin. Au cours des 13 dernières années, il a dirigé une entreprise d'entretien résidentiel et commercial à Montréal.

«Une sentence de 96 mois sera suffisante sans être plus sévère que nécessaire», affirme l'avocat, un point de vue que partage également le procureur de la poursuite, Michael J. Hunter. Les deux avocats croient qu'une telle sentence aura des effets dissuasifs, autant pour Desjardins que pour tous ceux qui seraient tentés de poser les mêmes gestes. Ils suggèrent également de lui imposer une probation de trois ans.

Avec la mafia libanaise

Avant leur arrestation, Desjardins et Ayotte avaient été vus au Québec en compagnie de trafiquants liés à la mafia libanaise par les enquêteurs de la Division du Crime organisé (DCO) de la police de Montréal. La DCO a d'ailleurs frappé ce réseau dirigé par plusieurs frères au printemps dernier.

Desjardins avait officiellement acheté l'appareil de type Piper le 31 décembre dernier.

L'avion arrivait des Bahamas et se dirigeait vers Windsor en Ontario lorsque le pilote a été contraint de le poser. Selon nos informations, le Piper aurait fait d'autres trajets similaires entre janvier et mars derniers. D'après la police, les 132 kg étaient destinés au marché montréalais.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

Photo archives La Presse

David Ayotte et Sylvain Desjardins