Le jury chargé de juger John Boulachanis pour un meurtre crapuleux commis il y a presque 20 ans, à Rigaud, est-il devant une preuve non fiable et pleine de «vides immenses», comme le soutient la défense, ou devant une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable, comme le prétend la Couronne? Il reviendra au jury, dans quelques jours, de trancher ce dilemme.

Au cours des deux derniers jours, les avocats de la Couronne et de la défense ont plaidé avec vigueur dans le but de convaincre les six hommes et six femmes du jury que c'est leur thèse respective qui est la bonne. La victime dans cette affaire est Robert Tanguay, dont les ossements ont été trouvés dans une sablière de Rigaud, en septembre 2001, quatre ans après sa disparition.

L'homme de 32 ans aurait été attiré là sous un faux prétexte le 9 août 1997, abattu et enterré dans une fosse qui avait été creusée au préalable pour l'y recevoir. Un crime planifié et commis de propos délibéré par John Boulachanis, avec l'aide de deux complices, soutient le procureur de la Couronne, Pierre-Olivier Gagnon. 

Les deux complices allégués ont déjà été condamnés pour ce crime, et ils sont venus témoigner au procès. On ne peut les nommer, en raison d'une ordonnance de non publication. John Boulachanis a été présenté comme le maître d'oeuvre du meurtre et c'est lui qui a tiré sur la victime, selon les deux témoins.

Me Gagnon a fait état de deux mobiles: le premier est que John Boulachanis voulait éliminer Tanguay parce que ce dernier menaçait de dévoiler leurs combines de vols d'autos à la police. La victime et les trois autres étaient dans un réseau de vols d'autos. Le second, est que l'accusé couchait avec Dominique Drouin, la conjointe de Robert Tanguay. On a même évoqué le fait que c'est elle qui aurait demandé à Boulachanis de se débarrasser de son conjoint. Boulachanis aurait tenu des propos en ce sens, selon des témoins.

Lors de sa plaidoirie, Me Gagnon a fait les liens entre les dires des témoins. Le fin détail donné par certains témoins ne peut avoir été inventé, selon lui. Il a aussi parlé des efforts de Boulachanis pour échapper à son procès, soit une tentative d'évasion, en novembre 2013, et ses essais pour intimider des témoins, et en soudoyer d'autres. Détenus et ex-détenus sont venus témoigner à cet effet.

«Est-ce compatible avec quelqu'un qui n'a pas participé au meurtre, ou avec quelqu'un qui ne veut pas que la vérité sorte», a demandé le procureur? 

Casiers longs comme le bras

Me Marc Labelle n'a pas présenté de défense. «Un procès de meurtre c'est pas : "Si tu n'es pas coupable, viens donc nous le dire". C'est à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable», a-t-il souvent répété.

Au cours de sa plaidoirie, Me Labelle s'est attaqué à la crédibilité des témoins de la Couronne. «Des repris de justices au casier long comme le bras», a-t-il fait dit. Selon lui, la preuve de la Couronne est pleine de trous, qu'il s'est employé à mettre sous la loupe : «Il n'y a pas eu d'expert en chaux pour dire pourquoi il n'y avait pas de chaux dans le sable. Les complices disent avoir enterré le corps avec de la chaux. Il n'y a pas eu non plus d'expert sur la décomposition des vêtements dans le sable. Il n'y avait plus trace de vêtements autour des os. Il a fallu se fier au témoignage du pathologiste, dont ce n'est pas le domaine», a lancé Me Labelle.

Autre trou, selon la défense: Dominique Drouin, conjointe du défunt, n' a pas témoigné. «C'aurait été intéressant de savoir si c'est elle qui a donné le contrat pour tuer son conjoint», a lancé Me Labelle. L'avocat s'est particulièrement attaqué à l'un des deux hommes qui dit avoir participé au meurtre avec Boulachanis. «Un témoin taré, avec des antécédents judiciaires long d'ici au fond de la salle, qui a menti sous serment à plusieurs reprises», a tonné Me Labelle. Arrêté en 2001 après la découverte des ossements, l'homme a plaidé coupable l'année suivante à une accusation d'homicide involontaire.

«Il a eu un homicide involontaire, mais c'est un meurtre au premier degré qu'il vient vous conter», a décrété Me Labelle, en disant que ça, c'est un avantage que le témoin avait reçu, et qu'il fallait se méfier de ce témoignage.

Pendant sa plaidoirie qui a duré toute la journée, mercredi, l'avocat a martelé au jury qu'il devait se servir de son gros bon sens, et se demander s'il avait la «vraie histoire».

Après les plaidoiries, qui se tiennent au Centre des services judiciaires Gouin, le juge donnera ses directives au jury. Celui-ci devrait commencer à délibérer au début de la semaine prochaine.

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