Même s'il n'a jamais pris de drogue, Robert Manuel Moniz se considère comme un drogué qui a besoin de se faire désintoxiquer. Il ne peut préciser à quelle drogue il est dépendant, puisque c'est la fumée secondaire des autres détenus qu'il se dit contraint de respirer.

L'homme de 41 ans, qui est accusé de fraude, soutient que les détenus fument à qui mieux mieux dans les prisons, dans le «bull pen» du palais de justice, et même dans les fourgons cellulaires. «Il y a de la mari, du haschisch, de la cocaïne, du crack, du smack», a-t-il énuméré, hier, au cours d'une singulière audience qui se déroulait devant le juge Patrick Healy.

«Le système» l'a «forcé» à plaider coupable

Au cours de cette audience, M. Moniz voulait retirer la reconnaissance de culpabilité qu'il a enregistrée le 24 avril dernier dans deux dossiers de fraudes. L'un des motifs est qu'il n'était pas dans son état normal, puisqu'il était intoxiqué par les substances illicites des autres. Les autres motifs qu'il a avancés sont que son avocate l'a induit à plaider coupable sans lui expliquer les conséquences ni la nature de cette décision, et que «le système» l'a «forcé» à plaider coupable.

L'homme, qui est accusé de fraudes hypothécaires totalisant plus de 6 millions de dollars, s'est décidé à plaider coupable après 70 jours d'audience dans son procès. Celui-ci se tenait de façon discontinue depuis 26 mois. La Couronne a présenté sa preuve et ses témoins pendant 53 jours, et M. Moniz a témoigné pendant 13 jours pour sa défense. Il n'en avait pas pour autant terminé quand son avocate, Catherine Ranalli, a présenté une requête en arrêt des procédures pour délai déraisonnable. Le juge Healy a rejeté cette requête le 23 avril dernier, en disant qu'il s'agissait d'un procès dense et complexe, et qu'il n'y avait pas eu de perte de temps.

Il congédie son avocate

Le lendemain de ce refus, après consultation avec son avocate, M. Moniz a plaidé coupable à 50 chefs de fraude, dans son gros dossier avec la Gendarmerie royale du Canada, et à 20 chefs dans un dossier de fraude plus ancien émanant de la Sûreté du Québec. Les négociations entre son avocate, Me Ranalli, et Me Isabelle Roy, de la Couronne, faisaient en sorte que si le juge acceptait leur suggestion commune, M. Moniz s'en tirait avec une peine de «temps fait». M. Moniz était détenu depuis quatre ans, soit depuis mai 2010. Il serait sorti tout de suite après le prononcé de la peine.

M. Moniz devait être de retour devant la cour le 7 mai pour recevoir sa peine. Mais la veille, il a changé d'idée. Il a congédié Me Ranalli, qui le représentait depuis octobre 2011, et prétend maintenant qu'elle l'a induit en erreur. Il a même porté plainte au Barreau contre elle, a-t-on appris hier. M. Moniz pensait que le fait de plaider coupable devant le juge Healy réglerait ses dossiers au pénal - le fisc lui réclame 1,2 million de dollars.

Il veut retourner au Portugal

Pendant sa détention, M. Moniz s'est converti au judaïsme. En sortant de prison, il veut aller se faire désintoxiquer dans une ressource tenue par un rabbin, et ensuite partir pour toujours dans son pays d'origine, le Portugal.

Me Ranalli a longuement témoigné devant le juge Healy, hier, pour raconter les échanges qu'elle a eus avec M. Moniz pour la reconnaissance de culpabilité. C'est maintenant au tour de la nouvelle avocate de M. Moniz, Me Karine Herrera-Nadon, de la contre-interroger. L'audition se poursuivra à une date ultérieure, qui n'a pas pu être déterminée hier en raison de contraintes bureaucratiques.