«Un petit gars comme toi, tu vas te faire "fuck in the ass in jail"», a lancé Stéfanie Trudeau, alias Matricule 728, à Julian Menezes pour le convaincre de s'identifier formellement pendant son arrestation, a affirmé l'ex-policière ce matin devant le Comité de déontologie policière. «Ce n'était pas approprié», a-t-elle concédé.

Cette nuit du 20 mai 2012, Montréal était plongé dans le «chaos social» et des «carrés rouges» prônaient la «désobéissance civile» tous les soirs, a témoigné l'agente Trudeau. 

« C'était comme ça en 2012 au centre-ville. Le chaos social était en ville! Faut le reconnaître ! C'était impraticable ! C'est ça la désobéissance civile. C'est ce qu'ils prônaient ! C'est ce qu'ils pratiquaient ! C'était le chaos social !», s'est emportée Stéfanie Trudeau en montant le ton en contre-interrogatoire pendant sa diatribe.

L'ex-policière du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est visée par une plainte déontologique pour propos racistes, détention illégale et utilisation d'une force excessive. 

Vers 2h du matin, le 20 mai, Stéfanie Trudeau et son coéquipier, Constantinos Samaras, ont procédé à l'arrestation de Julian Menezes au coin de l'avenue du Mont-Royal et de la rue de la Roche. Le jeune d'homme d'origine portugaise revenait d'un mariage avec sa conjointe et une amie cette nuit-là et s'était «immiscé» dans l'intervention des policiers qui étaient en train de donner un constat d'infraction à un cycliste. 

L'ex-policière a livré une version bien différente des évènements que celle du plaignant et des trois témoins de la scène.

Selon Stéfanie Trudeau, Julian Menezes était «soûl», «sentait fort l'alcool» et était «hostile». Il refusait d'obtempérer à ses ordres de quitter les lieux. C'est pourquoi elle a procédé à son arrestation, sans le projeter au sol, comme ont raconté tous les témoins de la scène. Mais puisque Julian Menezes refusait de rentrer dans la voiture de patrouille, «il a fallu le pousser un peu. Il est rentré de dos dans le véhicule», a dit l'ex-policière. Il a été attaché seulement plus tard. 

Mercredi, Julian Menezes a témoigné que la policière et son collègue avaient volontairement accéléré, puis freiné brusquement à plusieurs reprises pour qu'il se frappe la tête sur la vitre séparant l'habitacle. Ce matin, Stéfanie Trudeau a semblé confirmer en partie cette version des faits. « J'étais excédée par ses cris! Une fois, j'ai freiné assez brusquement, je lui ai dit: je suis pu capable ! [...] Peut-être qu'il s'est frappé quand j'ai freiné. Possiblement qu'il s'est frappé la tête», a-t-elle témoigné. 

Le plaignant, M. Menezes, a aussi certifié devant la cour que Stéfanie Trudeau l'avait traité de «fucking Indian» au moment de l'identifier. L'ex-policière a nié fermement avoir lancé cette insulte. «Sa morphologie n'allait pas du tout avec le nom. Je lui ai dit: mais t'es pas un Indien qui vient de l'Inde ? [...] Dans mon feeling, il ressemblait beaucoup à un Indien ou un Pakistanais. J'ai patrouillé 6 ans à Côte-des-Neiges. Je ne suis pas une super bolée des races. Pour moi, c'était un latino», a-t-elle raconté. 

Les plaidoiries des parties se déroulent cet après-midi.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Le plaignant, Julian Menezes.