«J'ai connu Raynald Desjardins dans le milieu de la construction. Avec le temps, on a développé une relation et j'ai commencé à travailler pour lui. J'ai été garde du corps durant trois ans. Le prestige qu'il avait, le style de vie qui venait avec, cela m'a attiré. Les choses étaient faciles. J'étais respecté. Je lui ai donné ma loyauté. J'ai acquis une arme. J'aurais pu faire n'importe quoi pour cet homme.»

Voici comment Jonathan Mignacca a résumé hier, devant les commissaires aux libérations conditionnelles, sa relation avec le caïd Raynald Desjardins.

Mignacca, 33 ans, purge depuis 2015 une peine de plus de six ans et demi de pénitencier pour avoir déchargé un pistolet vers un individu qui avait ouvert le feu sur son patron, en bordure du boulevard Lévesque, à Laval, le 16 septembre 2011. 

Le tireur, qui était arrivé en motomarine par la rivière des Prairies et qui portait une combinaison nautique, était muni d'une arme automatique. Il a mitraillé les véhicules de Desjardins et de son garde du corps alors qu'un autobus de la Société de transport de Laval qui transportait plusieurs passagers passait tout près.

Pendant que son garde du corps répliquait, Desjardins, qui s'en est miraculeusement tiré indemne, a fui les lieux à bord de son VUS BMW criblé de balles. Mignacca, lui, a été arrêté à proximité, accusé et condamné.

«C'était effrayant. J'ai eu peur. Les gens voient des fusillades dans les films, mais ça ne se passe pas comme ça dans la réalité», a décrit Mignacca.

«Mais après, j'étais fier. Car j'avais réussi à protéger cet homme. Lorsque je suis entré en prison, j'ai été accueilli les bras ouverts par les autres détenus. J'ai reçu des félicitations. J'étais une star», s'est rappelé Mignacca.

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Après son arrestation, Mignacca a refusé de parler aux enquêteurs de la police de Laval. Avant de recevoir sa peine, il a également très peu coopéré à la rédaction de son rapport présentenciel.

Mais hier, il était volubile et transparent. Il n'a rien dit contre Desjardins, qu'il a appelé une fois par son prénom, Raynald. Il a toutefois déclaré avoir commencé à réaliser qu'il était passé près de la mort lorsqu'un enquêteur le lui a fait remarquer, et qu'il a répondu à ce dernier en exhibant une blessure à l'abdomen causée par un éclat, durant un interrogatoire vidéo.

«À l'époque, je me fichais de tout. Je n'avais aucune considération envers le fait que des gens puissent avoir été blessés. Mes valeurs étaient aux mauvaises places. J'étais dans une bulle. Mais quand la bulle a crevé [durant son incarcération], j'ai commencé à réaliser mes actions et je suis retombé sur mes pieds.»

«Pour moi, l'argent n'est plus important et je ne veux plus être associé à ce milieu», a-t-il dit.

Jonathan Mignacca a affirmé que sa conjointe n'était nullement au courant de ce qu'il faisait comme travail, et qu'elle l'a appris le jour de son arrestation.

Il a dit vouloir retourner aux études et travailler dans le milieu de la construction, une fois libéré.

«Maintenant, ma loyauté est pour ma famille et mes proches. J'ai travaillé fort pour que la confiance de mes proches revienne, et je ne veux pas perdre ça», a-t-il expliqué.

Les commissaires aux libérations conditionnelles ont accepté de l'envoyer dans une maison de transition pour une période de six mois, pour commencer. Il sera toutefois soumis à des conditions spéciales : ne pas communiquer avec des individus ayant des antécédents criminels ou étant liés à une organisation criminelle, et ne pas fréquenter les cafés italiens. Il sera également soumis à un couvre-feu de 23h à 6h.

«Le vrai défi pour vous sera lorsque vous retournerez dans la communauté», l'a prévenu l'une des commissaires.

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.