Dominique Narcisse a frôlé la folie après la mort de son fils Ali, abattu à Montréal alors qu'il était allé chercher le cadeau d'anniversaire de sa mère. Mais quatre ans plus tard, dans un poignant face à face en cour, elle a «choisi de pardonner» à Ian Charbonneau son rôle dans la mort de son fils.

Les proches de Husain Ali Jean pleurent dans la salle d'audience. Bien droite, les yeux embués, Dominique Narcisse se tourne vers l'accusé et le somme à deux reprises de la regarder. Sans émotion, Ian Charbonneau lève la tête et ne lâche pas le regard de la mère de sa victime.

«M. Charbonneau, regardez-moi, s'il vous plaît. Je fais le choix de vous pardonner pour votre implication dans le meurtre de mon fils. Je suis sincère là-dessus. Je vous souhaite de faire du mieux comme vie», a déclaré Dominique Narcisse, la voix cassée par l'émotion. 

«Je souhaite que vous utilisiez votre temps en cellule pour apprendre à vous pardonner. Ça va être important.»

La juge Johanne St-Gelais a tenu à saluer la «sagesse» de Dominique Narcisse à la fin de l'audience, répétant même certains passages de son poignant témoignage. Ian Charbonneau, lui, n'avait rien à dire à la famille de la victime. «Tout a été dit», a-t-il lâché.

Dominique Narcisse revient de loin. Au «bord de la folie», elle a dû être internée longuement dans un hôpital psychiatrique. C'est après ce sombre épisode qu'elle a décidé de créer un organisme à la mémoire de son fils de 27 ans. Elle a fondé We Run For Ali pour aider les démunis. Pour son dernier Noël, raconte-t-elle, son fils avait distribué aux plus pauvres un «sac plein de chaussures neuves et de vêtements chauds».

Accusé du meurtre prémédité d'Ali Husain Jean, Ian Charbonneau a plaidé coupable hier à une accusation réduite d'homicide involontaire et de vol qualifié avec une arme à feu contre Jessica Guérin, conjointe du défunt. L'homme de 31 ans a été condamné à une peine de 11 ans de pénitencier à la suite d'une suggestion des parties.

«J'ai voulu mettre fin à mes jours»

Les crimes ont été commis le 11 janvier 2014 dans un appartement de l'arrondissement de Lachine. Une ordonnance de non-publication nous empêche de révéler les détails de cette affaire, puisqu'un coaccusé attend son procès pour le meurtre d'Ali Husain Jean.

Sa mort a laissé de profondes cicatrices dans la vie de ses proches, en particulier sa soeur Jamillah Jean, bouleversée par la mort de son «inséparable» petit frère. «Je suis devenue dépressive, j'ai des crises de panique. J'ai voulu mettre fin à mes jours pour enlever la douleur. J'ai eu besoin de médicaments pour arrêter de souffrir, pour arrêter de pleurer, pour cesser d'expliquer à ma fille de 3 ans que maman est seulement triste», a-t-elle confié, en sanglotant.

La conjointe de la victime, Jessica Guérin, a raconté son «cauchemar» dans une lettre sombre et poétique lue à la cour. «Écoute d'où vient ma peine qui me ronge, aujourd'hui subsiste sur moi une ombre, d'un rêve qui s'est voulu présage, la mort en moi a gravé son visage, en mon âme réside une lueur d'espoir, qu'un autre rêve me permette de te revoir.»