Gilbert Rozon est accusé de viol et d'attentat à la pudeur à l'endroit d'une femme pour des événements qui datent de 1979, a annoncé mercredi matin le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Le producteur a indiqué son intention de se « défendre » dans une déclaration laconique.

« Le DPCP, après avoir examiné et analysé l'ensemble de la preuve relative à 14 demandes déposées par le SPVM, annonce que des accusations ont été déposées à l'endroit de Gilbert Rozon », a-t-on indiqué mercredi matin dans un communiqué. Il va comparaître le 22 janvier par voie de sommation.

M. Rozon est accusé d'un chef d'attentat à la pudeur et d'un chef de viol concernant une plaignante. Les accusations sont déposées en vertu du Code criminel en vigueur au moment des infractions alléguées.

Selon une dénonciation déposée mercredi au palais de justice, les faits se seraient produits entre le 1er juin et le 21 septembre 1979 à Saint-Sauveur.

Dans le document, on ne désigne la victime potentielle que par ses initiales, conformément à l'usage en matière d'agression sexuelle. Selon nos informations, celle-ci aurait été âgée de plus de 18 ans à l'époque des faits.

En vertu du Code criminel en vigueur en 1979, l'accusation de viol suppose une pénétration de la part de l'agresseur, alors que l'accusation d'attentat à la pudeur peut désigner toute une série gestes sexuels - fellation, masturbation, attouchements ou exhibitionnisme.

RENCONTRES TERMINÉES

Le procureur affecté au dossier, Me Bruno Ménard, a terminé ses rencontres : les 14 plaignantes ont donc été informées de la décision du DPCP dans leurs dossiers respectifs. « Celles qui le désiraient ont été informées des motifs de ces décisions et on a répondu à leurs questions », précise le DPCP. Selon nos informations, quatre d'entre elles ont refusé d'être rencontrées dans les bureaux de la Couronne au palais de justice.

Le DPCP a tenu à réitérer, à l'ère de #moiaussi, que l'accompagnement et la protection des victimes d'agressions sexuelles demeurent au coeur de sa mission. « En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant, dit-on. Conséquemment, il arrive que le procureur, bien qu'il croie la victime, en arrive à la conclusion que la preuve au dossier ne permet pas une démonstration hors de tout doute raisonnable, ou que les faits relèvent plutôt du harcèlement sexuel, du droit civil ou d'une inconduite sexuelle. »

Gilbert Rozon, qui se trouvait il y a quelques jours à peine en France, n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue. Il a diffusé une courte déclaration aux médias en fin d'après-midi.

« J'ai appris ce matin le dépôt d'accusations à mon encontre concernant un dossier présumé datant d'il y a près de 40 ans, a-t-il déclaré. Je vais continuer à me défendre devant la justice et réserve tout commentaire pour cette instance. »

Gilbert Rozon a toujours nié en bloc les allégations des plaignantes. Il y a un an, après que neuf femmes eurent publiquement dénoncé les agissements de M. Rozon, une vingtaine de femmes avaient porté plainte à la police contre lui pour divers actes de nature sexuelle.

DES PLAIGNANTES RÉAGISSENT

Mardi, de nombreuses plaignantes s'étaient dites profondément déçues de la décision du DPCP dans leur cas personnel et disaient craindre l'impact sur l'opinion publique. Mercredi, l'annonce que le DPCP portait des accusations dans le cas d'une plaignante est venue mettre un peu de baume sur leurs plaies.

« C'est un bien pour un mal. On espérait qu'il y en ait plus, mais au moins, il y en a une. Disons [que mardi], on était pas mal découragées. Parce que ça envoyait un drôle de message à la société », dit Martine Roy, l'une des plaignantes qui ont vu leur dossier rejeté par le DPCP.

Mme Roy allègue avoir été agressée sexuellement en 1997 par Gilbert Rozon dans une loge du Cabaret du musée Juste pour rire. À l'époque, sa soeur était en couple avec Gilbert Rozon. Mme Roy a porté ce « lourd secret de famille » pendant 20 ans. Elle ressort amère de son expérience avec la justice.

« Je ne me suis pas sentie crue, et ça, ça fait mal. Parce que ça nous remet dans le mode honte et le mode : j'aurais donc dû me la fermer. » - Martine Roy

D'autres victimes ont souligné à quel point elles avaient ressenti de l'impuissance face au système de justice. « On se sent impuissantes. On nous dit : "Dénoncez, dénoncez" et "bravo, c'est formidable de dénoncer". Et on se retrouve face à un procureur qui nous dit qu'il ne peut rien faire. Donc, à quoi ça sert ? », a demandé mercredi la comédienne Patricia Tulasne sur QUB radio. Elle a aussi vu sa plainte rejetée par le DPCP. Mme Tulasne allègue que Gilbert Rozon l'a agressée sexuellement chez elle en 1994, après une soirée dans un restaurant.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse