Une Inuite de 58 ans qui fréquentait un refuge pour femmes en difficulté a plaidé coupable la semaine dernière à une accusation d'homicide involontaire pour avoir poignardé une dizaine de fois son conjoint possiblement violent pendant une nuit d'ivresse. Le matin même, Paul Brown était à la cour pour un dossier d'agression sexuelle contre deux enfants.

Cheveux courts grisonnants et visage labouré de rides, Jessie Quannaaluk paraît dix ans de plus que son âge. Exceptionnellement assise à côté de son avocat en raison de ses problèmes d'audition, le juge Marc David s'adresse à elle d'une voix forte, en détachant chaque syllabe. « Mme Quannaaluk, dites-moi si vous ne comprenez pas ce que je dis ? », lui lance-t-il. « Oui », lâche-t-elle doucement en anglais. Elle n'en dira pas beaucoup plus pendant cette audience qui s'est déroulée le 28 février au palais de justice de Montréal, à plus de 2000 kilomètres de son Ivujivik natal, le village le plus septentrional du Québec.

Cette femme aux allures de grand-mère bienveillante a reconnu mercredi de la semaine dernière avoir tué son conjoint des dernières années, Paul Brown, le 16 février 2015, dans l'appartement de ce dernier sur la rue Manning à Verdun. Elle était accusée de meurtre non prémédité.

Même en plaidant coupable à une accusation réduite d'homicide involontaire, Jessie Quannaaluk risque une longue peine de détention pour son crime.

La procureure de la Couronne Jasmine Guillaume entend demander une peine de 14 ans de pénitencier, contre 8 à 10 ans pour Me Julien Archambault de la défense. Une période de quatre ans et demi de détention préventive sera toutefois déduite.

CONFLIT

Le résumé des faits présenté au tribunal donne relativement peu de détails sur les circonstances du drame. Jessie Quannaaluk se trouve à l'appartement de Paul Brown le 16 février 2015. Ce soir-là, ils commandent de la bière du dépanneur du coin à deux reprises et boivent toute la soirée dans le logement. Vers 4 h 45, un conflit éclate entre les deux. Pour une raison inconnue, Jessie Quannaaluk poignarde Paul Brown sur le sofa du salon. Cependant, la lame du couteau se courbe, ce qui brise le manche.

Le conflit persiste, puis Jessie Quannaaluk empoigne un second couteau. Elle poignarde Paul Brown à treize reprises, avant de prendre la fuite. Au petit matin, une voisine voit un homme qui semble endormi dans les escaliers de l'immeuble et appelle la police. Il est déclaré mort à 9 h. Dans les heures suivantes, Jessie Quannaaluk avoue son crime à sa fille à la Place Alexis Nihon, puis se confie à une employée du refuge pour femmes autochtones qu'elle fréquentait. Elle sera arrêtée dans cet établissement le 17 février.

MOTIFS INCONNUS

Pourquoi cette Inuite de 58 ans sans antécédents criminels violents a-t-elle tué Paul Brown ? Il n'en a pas été question devant la cour la semaine dernière. Les antécédents criminels de la victime n'ont également pas été mentionnés devant le juge David. Toutefois, deux jours avant le meurtre, Jessie Quannaaluk avait confié être battue par son conjoint dans une entrevue menée par hasard avec le Journal de Montréal au refuge pour femmes. « Il m'empêche de sortir et me fait mal. Je ne suis pas heureuse avec lui », avait-elle dit.

Paul Brown, 57 ans, faisait face à six chefs d'accusation d'agression sexuelle et de contacts sexuels sur un enfant de moins de 14 ans et de moins de 16 ans.

Ces crimes auraient été commis entre 2006 et 2008 à Montréal. Un mandat d'arrêt avait été lancé contre lui en novembre 2012. Le matin de sa mort, il s'était présenté devant la cour pendant près d'une heure pour une étape préliminaire en vue de son procès prévu en juin 2016.

La cause revient le 25 avril prochain en vue des observations sur la peine à imposer.

Photo fournie par le SPVM

Jessie Quannaaluk a plaidé coupable la semaine dernière à une accusation d'homicide involontaire pour avoir poignardé son conjoint.