Elle avait fondé le Centre Phi pour redonner à la communauté, pour que sa fortune soutienne les arts à Montréal. Aujourd'hui, la mécène montréalaise Phoebe Greenberg dit avoir découvert que sa grande amie, celle qu'elle avait installée à la présidence de l'organisme, lui volait des millions en cachette.

Une requête déposée en Cour supérieure par Mme Greenberg et le Centre Phi ouvre pour le commun des mortels une fenêtre sur un monde où l'argent coule à flots et où il peut parfois être difficile de distinguer les vrais amis des profiteurs qui cherchent à s'enrichir.

Âgée de 53 ans, Phoebe Greenberg a créé il y a cinq ans dans le Vieux-Montréal le Centre Phi, carrefour multidisciplinaire et lieu d'expérimentation avec expositions, projections, présentations interactives et boutique de luxe.

Héritière d'une grande fortune familiale amassée dans l'immobilier et la construction, Mme Greenberg en assume personnellement les frais. « Les coûts d'ouverture et d'opération du Centre Phi ont été pour la plupart financés par Greenberg avec ses propres fonds personnels depuis sa fondation », lit-on dans la requête rédigée par ses avocats.

UNE AMIE PROCHE

Il y a des années, elle avait confié la présidence du centre à son amie Giuseppina Mancuso. Selon la requête, Mme Mancuso était payée 409 000 $ par an. Pour l'aider à arrondir quelque peu ses fins de mois, Mme Greenberg lui accordait aussi 200 000 $ de ses fonds personnels chaque année afin qu'elle puisse s'acheter des vêtements et se procurer des soins de beauté. Elle payait aussi les études des enfants de Mme Mancuso dans une école secondaire privée.

Giuseppina Mancuso était l'employée au sommet de la hiérarchie du centre, celle à qui Mme Greenberg faisait le plus confiance, précisent les avocats. C'était aussi une amie proche de la mécène.

En avril dernier, le directeur des finances du Centre Phi, Michel Bérubé, a fait remarquer à Mme Greenberg qu'elle dépensait beaucoup d'argent depuis quelque temps.

La mécène affirme être restée surprise, car elle ne se souvenait pas de dépenses particulièrement extravagantes.

Des vérifications internes ont été entreprises. Rapidement, l'organisme affirme avoir découvert que Mme Mancuso avait acheté pour 500 000 $ de vêtements en 13 mois, à l'aide des cartes de crédit du Centre Phi. Largement au-delà de la limite de 200 000 $ par an fixée par Phoebe Greenberg.

Mme Mancuso a donc été congédiée en avril dernier. En l'honneur de leur amitié de longue date, Mme Greenberg a accepté de lui verser trois ans de salaire, soit 1,5 million, comme compensation pour la fin de son emploi.

5,2 MILLIONS MANQUANTS

Elle lui a fait un premier versement de 407 000 $, mais peu après, le Centre Phi dit avoir découvert que les sommes détournées par Mme Mancuso dépassaient largement ce qui avait été soupçonné jusqu'alors.

Elle aurait détourné 5,2 millions de 2014 à 2017, grâce à des cartes de crédit, ainsi qu'au moyen de paiements directs à elle-même ou à son mari Bayard Whittall et à l'entreprise de ce dernier, Two Monsters Exotics.

Les dépenses injustifiées prenaient notamment la forme d'avances de fonds de 809 000 $ sur les cartes de crédit.

Dans sa requête à la Cour, Mme Greenberg demande donc l'annulation du dédommagement de 407 000 $ déjà versé à Mme Mancuso, en plus d'exiger de sa part une somme de 5,2 millions en compensation pour l'argent qu'elle aurait détourné.

L'avocate de Mme Greenberg n'a pas souhaité faire de commentaires vendredi. Mme Mancuso n'a pas répondu à nos nombreux appels à sa résidence de Westmount.

Aucune date n'a été fixée pour un procès dans cette affaire jusqu'ici.

- Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse