Il n'y avait pas que les affaires internes qui enquêtaient sur les fuites journalistiques au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Au moins une autre enquête, sur une fuite à Montréal-Nord, n'a pas été confiée à la Division des affaires internes, a révélé hier son ancien patron Costa Labos.

« Mario Guérin a demandé une enquête disciplinaire sur Montréal-Nord sur de possibles fuites dans les médias », a affirmé Costa Labos devant la commission Chamberland. Celle-ci était menée avec l'aide de la Division des affaires internes et « de cadres ailleurs au SPVM ».

Cette enquête disciplinaire, appelée « f-8 », tire son origine d'un article publié dans La Presse et dans lequel le journaliste Daniel Renaud affirmait que les policiers de Montréal-Nord avaient eu comme mot d'ordre de ne pas arrêter certains individus liés aux gangs de rue.

« TENTER DE TROUVER LA FAILLE »

TVA Nouvelles avait par la suite révélé que quelques jours plus tard, le bras droit du directeur du SPVM Philippe Pichet, Mario Guérin, avait déclaré devant de hauts dirigeants qu'il voulait « briser la culture du coulage » au sein du service de police.

Selon des enregistrements obtenus alors, Mario Guérin avait noté qu'un journaliste avait eu « une information des plus privilégiées d'une personne très, très, très près des opérations » et qu'il fallait ainsi « tenter de trouver la faille ».

« Pourquoi avoir initié une enquête disciplinaire dans ce cas et non pas une enquête pour abus de confiance ? », a demandé hier à Costa Labos l'avocat Christian Leblanc, qui représente sept médias devant la Commission.

« C'était la décision de Mario Guérin de faire une enquête disciplinaire », a-t-il dit, avant de préciser qu'en cas de fuite dans les médias, « ce ne sont pas nécessairement les affaires internes qui vont tout faire ».

UN NOUVEAU LOGICIEL 

Par ailleurs, l'idée d'utiliser un logiciel de surveillance pour savoir quels policiers communiquaient avec des journalistes était si « nouvelle » que même le patron de la Division des affaires internes du SPVM n'en avait pas entendu parler avant qu'un de ses enquêteurs lui suggère d'y avoir recours.

L'ancien patron de la Division des affaires internes du SPVM a admis qu'il avait approuvé deux fois l'utilisation de cette technique d'enquête.

C'est l'enquêteur Normand Borduas, a-t-il dit, qui a eu l'idée d'utiliser un logiciel espion sur le poste informatique d'un policier que l'on soupçonnait de parler aux médias. « C'était nouveau pour pas mal tout le monde, personne n'avait de connaissances sur ce logiciel spécial », a-t-il dit.

La mise en lieu sûr par un tiers des données collectées par le SPVM sur des journalistes, appelée « entiercement », était également un nouveau concept pour le patron des affaires internes. C'est le sergent-détective Iad Hanna qui lui a suggéré de disposer ainsi des données collectées sur Patrick Lagacé au cours de l'enquête Escouade.

« Je ne savais pas ce que ça voulait dire », a-t-il admis devant la Commission, avant d'affirmer que « c'était une bonne idée d'entreprendre ces démarches ».

LAGACÉ ÉTAIT UN « TIERS INNOCENT », DIT IAD HANNA

Plus tôt en matinée, hier, le sergent-détective Iad Hanna a conclu son témoignage entrepris jeudi dernier devant la commission Chamberland.

Il a affirmé que son collègue aux affaires internes Normand Borduas et lui avaient eu l'intention d'aviser le journaliste Patrick Lagacé qu'il avait fait l'objet d'un mandat d'écoute avant que celui-ci ne soit mis au courant d'une autre façon.

« Ça faisait partie des conversations d'aller voir M. Lagacé et de l'informer. Dans ce dossier, on parle de tiers innocent : on a leurs données, on a accès à beaucoup de choses [...]. Je trouvais que c'était la moindre des choses de l'aviser », a-t-il déclaré.

Aujourd'hui : le témoignage de Costa Labos se poursuit.