Certaines arrestations de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) ont été retardées en raison du fameux arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, qui a fixé des limites très strictes en matière de délais judiciaires et provoqué l'arrêt du processus judiciaire dans plusieurs causes récemment lorsque les procédures s'étiraient trop.

Dans le cadre de son bilan de fin d'année avec les médias hier, le commissaire de l'UPAC Robert Lafrenière a expliqué que ses enquêteurs travaillaient sur 30 enquêtes criminelles en ce moment.

Mais la crainte de voir des accusés acquittés en raison des délais judiciaires a forcé son organisation à changer certaines façons de faire. Plus question, comme autrefois, d'arrêter un suspect s'il reste encore quelque 20, voire 10 % de la preuve à analyser : tout doit être compilé et prêt à transmettre aux accusés le jour de l'arrestation. Car c'est à ce moment que le compteur commence à tourner.

« Il y a des dossiers qui en ce moment retardent un peu à cause de notre nouvelle façon de faire », confirme-t-il.

La décision rendue par la Cour suprême fixe la durée des délais « raisonnables » à 18 mois devant les cours provinciales et 30 mois devant les cours supérieures.

M. Lafrenière refuse de prédire quand surviendront les prochaines arrestations, mais assure que les enquêteurs travaillent d'arrache-pied en ce moment. « Les gens ici font 600 ou 700 heures supplémentaires par année », dit-il.

« On les croise ici la nuit. Il y en a une, il y a deux semaines, qui a déclenché le système d'alarme à 2 h 30 du matin, et c'est moi qui ai dû agir comme répondant pour désamorcer le système », raconte-t-il en riant.

Quatre enquêtes en cours ont par ailleurs mené à des demandes d'assistance à des corps policiers étrangers, et l'UPAC attend des réponses de ses interlocuteurs pour pouvoir mener à bien son travail.

EMBALLÉ ET SURPRIS

Le commissaire Lafrenière s'est par ailleurs réjoui que l'ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt, arrêté après une enquête de l'UPAC, ait plaidé coupable. Lorsqu'il a appris la nouvelle, il a été « surpris » et « emballé ».

« Il y a un adage qui dit qu'un arrangement est toujours meilleur que le meilleur des procès. On [épargne] des témoins, on [épargne] des frais énormes, du temps aussi », observe-t-il. Pour le reste, 33 personnes sont toujours accusées pour leur participation alléguée au système de corruption lavallois.

Il entend les critiques dans la sphère publique sur son organisation, sur des craintes d'ingérence politique, sur les arrestations de gens puissants qui seraient trop longues à venir, sur ce contact - le seul qu'il ait eu dans toute l'année, martèle-t-il - avec le chef de cabinet du premier ministre, Jean-Louis Dufresne, afin de discuter de formation en matière de lutte contre la corruption.

Les gens qui lancent des allégations « sans preuve » le mettent « en maudit », mais ne le détournent pas de sa mission. « Il y en a qui veulent faire de la politique sur le dos de l'UPAC et je n'accepterai jamais ça », dit-il.