D'une voix parfois chevrotante, le policier Mathieu Brassard a raconté hier, à l'Enquête publique du coroner Luc Malouin, comment il en est venu à faire feu sur le sans-abri Alain Magloire, le 3 février 2014. « J'ai fait feu le plus vite possible, c'était une question de vie ou de mort. J'avais alors la conviction profonde que la vie de mon partenaire était en danger. » Il a tiré à quatre reprises.

Les agents du poste de quartier 21, dans l'arrondissement Ville-Marie, ont l'habitude de recevoir des appels pour des hommes armés d'objets menaçants, a raconté l'agent Brassard, policier depuis 2006. Mais quand il a entendu la voix de la policière Jeanne Bruneau qui demandait du renfort sur les ondes radio, il a tout de suite su qu'il ne s'agissait pas d'un appel de routine. « Au ton de sa voix, elle m'apparaît anormalement sous tension, elle ne semble pas en contrôle de la situation et il y a danger. »

Arrivé sur la scène rue Berri, avec son coéquipier Pascal Joly, Mathieu Brassard a entendu ses collègues crier haut et fort. Armes au poing, ils ordonnaient à Alain Magloire de jeter son marteau. Il ne réagissait pas. 

« Je ne crois pas qu'il avait toute sa tête au moment des faits. »

Brassard a immédiatement dégainé et s'est posté en retrait pour assurer une couverture. Son collègue a tenté d'asperger le suspect de poivre de Cayenne, sans succès.

Durant ce court épisode, Magloire a brandi son marteau à deux reprises vers les policiers, a raconté l'agent Brassard, qui avoue n'avoir conservé des événements qu'un souvenir confus. C'est lui qui a demandé un pistolet électrique et donné sa position.

Hors de contrôle

Alors qu'Alain Magloire, son marteau toujours à la main, était entouré par les quatre policiers en demi-cercle, une voiture de patrouille conduite par l'agent Côté a foncé sur lui. Après, tout s'est déroulé très vite. L'agent Joly s'est approché de M. Magloire pour le maîtriser. Brassard a tenté de le seconder. « J'avais abaissé mon arme, prêt à rengainer pour aider mon partenaire. » Leur stratégie était d'immobiliser le suspect par contention physique, comme le duo, formé en 2011, l'avait fait plusieurs fois par le passé.

Si la voiture avait roulé à plus grande vitesse, cette diversion aurait peut-être suffi à déstabiliser le suspect, a avancé le témoin. Ça n'a pas été le cas. Et la situation a rapidement dégénéré. L'agent Joly a bel et bien réussi à agripper Alain Magloire sur le capot de la voiture, mais celui-ci est « retombé les deux pieds au sol, solide ». Le policier, lui, a été « débalancé, en position vulnérable ». « C'est très clair. Je vois le mouvement du bras en extension complète, marteau bien haut dans les airs. Je vois ses yeux dirigés vers sa cible que je crois être la tête de l'agent Joly », a dit le policier, sa voix trahissant son émotion.

Tout s'est alors passé en un dixième de seconde, précise-t-il. « J'ai allongé le bras et j'ai fait feu jusqu'à ce que la menace cesse. »

Rappelons qu'en septembre 2014, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a annoncé qu'il ne déposerait aucune accusation criminelle contre le policier Brassard en lien avec la mort d'Alain Magloire.

De chercheur à sans-abri

Père de deux filles, chercheur en biochimie et fils de l'ancien ministre haïtien de la Justice, René Magloire, la vie d'Alain Magloire, 41 ans, a basculé au milieu des années 2000. La consommation de drogue, à l'occasion d'une fête, aurait été le déclencheur de troubles de santé mentale. L'homme était sans domicile fixe au moment de son décès.